Language of document : ECLI:EU:C:2020:385

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

14 mai 2020 (*)

Table des matières


I. Le cadre juridique

A. Le règlement (CE) no 1/2003

B. Le règlement (CE) no 773/2004

C. La communication relative aux règles d’accès au dossier

II. Les antécédents du litige et la décision litigieuse

III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

IV. Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

V. Sur le pourvoi

A. Sur le premier moyen

1. Argumentation des parties

2. Appréciation de la Cour

B. Sur le deuxième moyen

1. Sur la première branche du deuxième moyen

a) Sur l’argument visant les ventes « pures » de câbles électriques

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

b) Sur la première sous-branche

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

c) Sur la deuxième sous-branche

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

d) Sur la troisième sous-branche

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

e) Sur la quatrième sous-branche

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

f) Sur la cinquième sous-branche

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

g) Sur la sixième sous-branche

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

h) Sur la septième sous-branche

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

2. Sur la deuxième branche du deuxième moyen

a) Sur la première sous-branche

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

b) Sur la deuxième sous-branche

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

c) Sur la troisième sous-branche

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

d) Sur la quatrième sous-branche

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

e) Sur la cinquième sous-branche

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

3. Sur la troisième branche du deuxième moyen

a) Sur la première sous-branche

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

b) Sur la deuxième sous-branche

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

c) Sur la troisième sous-branche

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

C. Sur le troisième moyen

1. Sur la première branche du troisième moyen

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

2. Sur la deuxième branche

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

3. Sur la troisième branche

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

VI. Sur l’annulation partielle de l’arrêt attaqué

VII. Sur le recours devant le Tribunal

VIII. Sur les dépens


« Pourvoi – Concurrence – Ententes – Marché européen des câbles électriques souterrains et sous-marins – Répartition du marché dans le cadre de projets – Amendes – Droits de la défense – Règlement (CE) no 1/2003 – Article 27, paragraphe 1 – Concordance entre la communication des griefs et la décision litigieuse – Accès au dossier – Infraction unique et continue – Charge de la preuve – Dénaturation d’arguments et d’éléments de preuve »

Dans l’affaire C‑607/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 24 septembre 2018,

NKT Verwaltungs GmbH, anciennement nkt cables GmbH, établie à Cologne (Allemagne),

NKT A/S, anciennement NKT Holding A/S, établie à Brøndby (Danemark),

représentées par Mes M. Kofmann et B. Creve, advokater,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet, S. Baches Opi et T. Franchoo, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb (rapporteur), président de chambre, MM. T. von Danwitz et A. Kumin, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme C. Strömholm, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 septembre 2019,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, NKT Verwaltungs GmbH, anciennement nkt cables GmbH et NKT A/S, anciennement NKT Holding A/S, demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2018, NKT Verwaltungs et NKT/Commission (T‑447/14, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:443), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2014) 2139 final de la Commission, du 2 avril 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39610 – Câbles électriques) (ci‑après la « décision litigieuse »), en tant qu’elle les concerne, et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée.

I.      Le cadre juridique

A.      Le règlement (CE) no 1/2003

2        Le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), prévoit, à son article 23, paragraphes 2 et 3 :

« 2.      La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

a)      elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [101 ou 102 TFUE] [...]

[...]

3.      Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci. »

3        L’article 27, paragraphe 1, de ce règlement énonce :

« Avant de prendre les décisions prévues aux articles 7, 8 et 23 et à l’article 24, paragraphe 2, la Commission donne aux entreprises et associations d’entreprises visées par la procédure menée par la Commission l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission. La Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations. [...] »

B.      Le règlement (CE) no 773/2004

4        L’article 15, paragraphe 1, du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 et 102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), dispose :

« Sur demande, la Commission accorde l’accès au dossier aux parties auxquelles elle a adressé une communication des griefs. L’accès est accordé après la notification de la communication des griefs. »

C.      La communication relative aux règles d’accès au dossier

5        Aux termes du point 27 de la communication de la Commission relative aux règles d’accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles [101 et 102 TFUE], des articles 53, 54 et 57 de l’accord EEE et du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil √ (JO 2005, C 325, p. 7, ci-après la « communication de la Commission relative à l’accès au dossier ») :

« L’accès au dossier est donné sur demande et normalement une seule fois, après la communication des griefs de la Commission aux parties, afin de respecter le principe de l’égalité des armes et de protéger les droits de la défense. En règle générale, les parties n’ont donc pas accès aux réponses des autres parties aux griefs formulés par la Commission.

Une partie aura toutefois accès aux documents reçus après la communication des griefs dans des phases ultérieures de la procédure administrative, lorsque ces documents peuvent constituer de nouveaux éléments de preuve, qu’ils soient à charge ou décharge, relatifs aux allégations formulées à l’égard de cette partie dans la communication des griefs de la Commission. C’est particulièrement le cas lorsque la Commission entend se fonder sur de nouvelles preuves. »

II.    Les antécédents du litige et la décision litigieuse

6        Les antécédents du litige, exposés aux points 1 à 21 de l’arrêt attaqué, peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit.

7        NKT et sa filiale à part entière NKT Verwaltungs sont des sociétés respectivement établies au Danemark et en Allemagne, actives dans le secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins.

8        Par lettre du 17 octobre 2008, ABB AB, une société établie en Suède, a fourni à la Commission une série de déclarations et de documents relatifs à des pratiques commerciales restrictives dans ce secteur.

9        Par la suite, la Commission a procédé à une enquête.

10      Le 30 juin 2011, la Commission a adopté une communication des griefs qu’elle a notifiée aux entreprises concernées.

11      À l’article 1er de la décision litigieuse, la Commission a constaté que les requérantes et 24 autres sociétés, y compris ABB AB et ABB Ltd, une société établie en Suisse (ci-après, ensemble, « ABB »), Prysmian Cavi e Sistemi Srl et Prysmian SpA, deux sociétés établies en Italie (ci-après, ensemble, « Prysmian »), Pirelli & C. SpA, une société établie en Italie, Nexans SA et Nexans France SAS, deux sociétés établies en France (ci-après, ensemble, « Nexans »), Brugg Kabel AG et Kabelwerke Brugg AG Holding, deux sociétés établies en Suisse, Exsym Corporation, une société établie au Japon et Taihan Electric Wire Co. Ltd, une société établie en Corée du Sud, avaient participé à une entente (ci-après l’« entente »), constitutive d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’« accord EEE »), dans le secteur des câbles électriques à (très) haute tension souterrains et/ou sous-marins (ci-après l’« infraction en cause »).

12      Plus précisément, la Commission a considéré que l’infraction en cause concernait les projets portant sur tous les types de câbles électriques souterrains d’une tension minimale de 110 kilovolts (kV) (ci-après les « projets portant sur des câbles électriques souterrains ») et de câbles électriques sous-marins d’une tension minimale de 33 kV (ci-après les « projets portant sur des câbles électriques sous-marins »), y compris l’ensemble des produits, des travaux et des services fournis au client à l’occasion d’une vente de câbles électriques lorsque celle-ci s’inscrivait dans le cadre d’un tel projet.

13      Dans la décision litigieuse, la Commission a considéré que l’entente revêtait deux configurations principales qui constituaient un ensemble composite, à savoir 

–        une configuration qui regroupait les entreprises européennes, généralement appelées « membres R », les entreprises japonaises, désignées en tant que « membres A », et les entreprises sud-coréennes, désignées en tant que « membres K », et qui permettait de réaliser l’objectif d’attribution de territoires et de clients entre les producteurs européens, japonais et sud-coréens (ci-après la « configuration A/R »). Cette attribution se faisait selon un accord sur le « territoire national », en vertu duquel les producteurs japonais et sud-coréens s’abstenaient d’entrer en concurrence pour des projets se déroulant sur le « territoire national » des producteurs européens, tandis que ces derniers s’engageaient à rester en dehors des marchés du Japon et de la Corée du Sud. S’ajoutait à cela l’attribution de projets dans les « territoires d’exportation », à savoir le reste du monde, à l’exception, notamment, des États-Unis ;

–        une configuration qui impliquait l’attribution de territoires et de clients par les producteurs européens pour des projets à réaliser à l’intérieur du territoire « national » européen ou attribués à des producteurs européens (ci-après la « configuration européenne »).

14      Selon la décision litigieuse, nkt cables a participé à l’entente du 3 juillet 2002 au 17 février 2006. NKT Holding a été reconnue responsable de l’infraction en cause en tant que société mère de nkt cables durant la même période.

15      En tenant compte du rôle joué par les différents participants à l’entente dans la mise en œuvre de celle-ci, la Commission les a classés en trois groupes, à savoir, premièrement, les entreprises qui formaient le noyau dur de l’entente, deuxièmement, les entreprises qui ne faisaient pas partie du noyau dur, mais qui ne pouvaient pas, pour autant, être considérées comme étant des acteurs marginaux de l’entente, et troisièmement, les acteurs marginaux de l’entente. Selon la Commission, les requérantes appartenaient au dernier de ces trois groupes.

16      Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a appliqué l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 et la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2).

17      En premier lieu, s’agissant du montant de base desdites amendes, la Commission a déterminé la valeur des ventes à prendre en compte. Elle a ensuite fixé la proportion de cette valeur des ventes reflétant la gravité de l’infraction. À cet égard, la Commission a estimé que cette infraction, par sa nature, constituait l’une des restrictions de la concurrence les plus graves, ce qui justifiait un « coefficient de gravité » de 15 %. De même, elle a appliqué une majoration de 2 % du coefficient de gravité pour l’ensemble des destinataires de la décision litigieuse en raison de la part de marché cumulée ainsi que de la portée géographique quasi mondiale de l’entente, couvrant, notamment, l’ensemble du territoire de l’Espace économique européen (EEE).

18      Par ailleurs, la Commission a considéré que le comportement des entreprises européennes était plus préjudiciable à la concurrence que celui des autres entreprises, en ce que, outre leur participation à la configuration A/R, les entreprises européennes avaient partagé entre elles les projets portant sur des câbles dans le cadre de la configuration européenne. Pour cette raison, elle a fixé la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération au titre de la gravité de l’infraction à 19 % pour les entreprises européennes et à 17 % pour les autres entreprises. La Commission a, en outre, inclus pour nkt cables dans le montant de base de l’amende un montant additionnel, dit « droit d’entrée », destiné à dissuader les entreprises de participer à des infractions au droit de la concurrence de l’Union et correspondant à 19 % de la valeur des ventes. Le montant de base ainsi déterminé s’élevait à 4 319 000 euros.

19      En second lieu, s’agissant des aménagements du montant de base des amendes, la Commission n’a pas constaté de circonstances aggravantes en ce qui concerne les requérantes. En revanche, s’agissant des circonstances atténuantes, elle a décidé de réduire ce montant de 10 % pour les entreprises comme les requérantes qui étaient des acteurs marginaux de l’entente.

20      Aux termes de l’article 2, sous e), de la décision litigieuse, la Commission a infligé aux requérantes, conjointement et solidairement, une amende de 3 887 000 euros.

III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2014, les requérantes ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse, en tant qu’elle les concerne, et à la réduction du montant de l’amende qui leur avait été infligée.

22      Au soutien de leurs conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse, les requérantes ont soulevé devant le Tribunal quatre moyens. Le premier moyen était tiré de violations des droits de la défense et du principe d’égalité des armes en raison du refus de la Commission de donner accès aux requérantes aux preuves potentiellement à leur décharge contenues dans les réponses à la communication des griefs présentées par les destinataires de cette communication autres que les requérantes. Le deuxième moyen était pris de la définition erronée de la portée territoriale de l’infraction unique et continue ainsi que de l’application erronée du critère des effets qualifiés dans l’Union européenne ou dans l’EEE des pratiques relatives aux projets à réaliser hors de l’EEE (ci-après le « critère des effets qualifiés ») pour justifier l’application de l’article 101 TFUE. Le troisième moyen était tiré d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a estimé que nkt cables avait pris part à une infraction unique et continue et avait connaissance de tous les éléments de celle-ci. Le quatrième moyen était pris d’une erreur commise par la Commission concernant la durée de la participation des requérantes à l’infraction.

23      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.

24      Premièrement, le Tribunal a considéré qu’il appartenait à la Commission de procéder à une première appréciation du caractère potentiellement à décharge des informations contenues dans les réponses à la communication des griefs données par les destinataires de cette communication autres que les requérantes.

25      Il a également estimé qu’une violation des droits de la défense, en raison du refus de la Commission de donner accès à de tels documents, ne pouvait être constatée que si l’entreprise demandant un tel accès démontrait que celui-ci aurait pu être utile à sa défense, ce qui présupposait que cette entreprise ait fourni un premier indice de l’utilité, pour sa défense, des documents non communiqués. Selon le Tribunal, les requérantes n’avaient pas fourni un tel indice en l’espèce.

26      En outre, le Tribunal a rejeté comme étant inopérant l’argument des requérantes, soulevé à l’audience, selon lequel la lecture des versions non confidentielles des réponses des autres destinataires à la communication des griefs produites par la Commission en réponse à une mesure d’organisation de la procédure du Tribunal confirme que lesdites réponses contenaient des éléments à décharge et qu’il est fort probable qu’il en aille de même pour les réponses données par les autres destinataires à ladite communication pour lesquelles la Commission n’avait pas été en mesure de produire de versions non confidentielles.

27      Deuxièmement, le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant que l’article 101 TFUE était applicable aux différentes pratiques de l’entente décrites au considérant 493 de la décision litigieuse, y compris celles relatives aux ventes réalisées en dehors de l’EEE, étant donné que ces pratiques avaient été mises en œuvre dans l’EEE ou avaient des effets prévisibles, immédiats et substantiels dans cette région. Selon le Tribunal, la Commission n’avait pas non plus violé les droits de la défense des requérantes en s’appuyant, dans la décision litigieuse, et pour justifier sa compétence pour sanctionner certaines pratiques, sur leurs effets dans l’EEE, notamment ceux concernant les ventes en dehors de l’EEE, étant donné que ces pratiques étaient déjà mentionnées dans la communication des griefs.

28      Troisièmement, le Tribunal a estimé que la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant que les requérantes avaient participé à une infraction unique et continue, y compris à certains éléments de cette infraction contestés par elles, qu’elles avaient connaissance ou pouvaient raisonnablement prévoir l’existence de certains éléments de l’infraction en cause et que, en ce qui concerne certains autres éléments constitutifs de cette infraction, la Commission n’était pas tenue de prouver que les requérantes y avaient participé ou en avaient eu connaissance ou encore auraient dû en avoir connaissance.

29      Quatrièmement, le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas commis d’erreur s’agissant de la durée de la participation des requérantes à l’entente.

IV.    Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

30      Les requérantes demandent à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué en tout ou en partie ;

–        d’annuler la décision litigieuse en tout ou en partie ; 

–        à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que celui-ci statue conformément à l’arrêt de la Cour, et

–        de condamner la Commission aux dépens exposés dans le cadre de la procédure de pourvoi et de la procédure devant le Tribunal.

31      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner les requérantes aux dépens.

32      À la suite de la phase écrite de la procédure, les parties ont été entendues lors d’une audience qui s’est tenue le 26 septembre 2019 et à la fin de laquelle la phase orale de la procédure a été clôturée.

33      Par acte déposé au greffe de la Cour le 8 mai 2020, les requérantes ont demandé la réouverture de la phase orale de la procédure. À l’appui de cette demande, elles invoquent le fait que le Tribunal les avait informées, par lettre du 30 avril 2020, de son intention de procéder à une rectification du point 139 de l’arrêt attaqué, dans sa version en langue anglaise, la seule faisant foi, qui résulterait en l’omission du terme « not » dans la dernière phrase de ce point.

34      Selon les requérantes, cette rectification proposée se présente comme étant un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, étant donné qu’elle constitue une preuve supplémentaire du fait que l’interprétation erronée du Tribunal, selon laquelle l’infraction en cause s’étendait à des ventes réalisées dans des pays non-membres de l’Union ou de l’EEE, a influencé l’appréciation de leur argumentation effectuée par celui-ci, concernant la portée de cette infraction et leur participation à celle-ci.

35      Il y a lieu de rappeler que la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, notamment lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour.

36      En l’occurrence, la Cour considère, toutefois, l’avocat général entendu, que la rectification de l’arrêt attaqué, envisagée par le Tribunal, ne saurait être considérée comme constituant un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour. En effet, il ressort du point 60 du pourvoi, lequel cite le contenu de la dernière phrase du point 139 de l’arrêt attaqué en omettant le mot « not », que les requérantes avaient compris que la présence de ce mot, dans la version anglaise faisant foi de l’arrêt attaqué, constituait une inexactitude évidente de la part du Tribunal. Les requérantes avaient donc la possibilité de faire valoir, dès ce stade de la procédure, les conséquences qui, selon elles, découlaient de cette erreur au regard du bien-fondé de l’arrêt attaqué.

37      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

V.      Sur le pourvoi

38      Au soutien de leur pourvoi, les requérantes invoquent trois moyens. Le premier moyen est tiré d’erreurs de droit concernant la définition de la portée territoriale de l’infraction en cause. Le deuxième moyen est pris d’erreurs de droit commises par le Tribunal dans son appréciation de la portée de l’infraction en cause, de même que dans son appréciation de la participation des requérantes à cette infraction et de la connaissance qu’elles en avaient. Le troisième moyen est tiré d’erreurs de droit commises par le Tribunal en jugeant que les droits de la défense des requérantes n’avaient pas été enfreints en ce qui concerne l’accès aux réponses à la communication des griefs faites par les destinataires de cette communication autres que les requérantes. En outre, les requérantes demandent, en substance, à la Cour d’utiliser sa compétence de pleine juridiction, reconnue au juge de l’Union à l’article 31 du règlement no 1/2003 conformément à l’article 261 TFUE, aux fins d’une réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée dans la décision litigieuse, pour le cas où elle annulerait l’arrêt attaqué en tout ou en partie et où elle déciderait de ne pas renvoyer l’affaire devant le Tribunal.

A.      Sur le premier moyen

1.      Argumentation des parties

39      Par leur premier moyen, divisé en trois branches, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit concernant la définition de la portée territoriale de l’infraction en cause.

40      Par la première branche de ce moyen, qui vise les points 98 à 102 de l’arrêt attaqué, les requérantes font valoir que, au point 619 de la communication des griefs, la Commission a exclu du champ d’application de l’infraction qui leur était reprochée « les activités de l’entente se rapporta[n]t à des ventes réalisées dans des pays qui ne sont pas membres de l’Union ou de l’EEE ». Dans ces circonstances, elles n’auraient pas eu l’opportunité de réagir à la prise en compte de ces activités dans la décision litigieuse et, partant, de se défendre à cet égard. Le Tribunal aurait donc commis une erreur de droit en jugeant que leurs droits de la défense n’ont pas été enfreints.

41      Par la deuxième branche du premier moyen, qui vise les points 79, 81, 85, 88 à 97 et 104 de l’arrêt attaqué, les requérantes soutiennent que le Tribunal a considéré à tort que le critère des effets qualifiés était applicable en l’espèce.

42      Par la troisième branche du premier moyen, qui vise les points 88 à 97 de l’arrêt attaqué, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant qu’il était inutile de démontrer les effets prévisibles, immédiats et substantiels dans l’EEE des pratiques mises en œuvre en dehors de l’EEE, au motif que toutes les pratiques visées par la décision litigieuse devaient être examinées ensemble, de sorte que les effets des activités mises en œuvre dans l’EEE auraient suffi à démontrer les effets prévisibles, immédiats et substantiels dans l’EEE des activités mises en œuvre en dehors de l’EEE.

43      Selon la Commission, le premier moyen est inopérant. Dans la décision litigieuse, elle aurait fondé sa compétence territoriale pour sanctionner l’infraction en cause à la fois sur le critère de la mise en œuvre de cette infraction et sur le critère des effets qualifiés. Dans la mesure où cette compétence aurait été suffisamment établie sur le fondement du critère de la mise en œuvre, il serait donc sans importance de savoir si le critère des effets qualifiés est également rempli.

44      À cet égard, il ressortirait de la jurisprudence que c’est au regard du comportement de l’entreprise concernée, pris dans son ensemble, qu’il convient de déterminer si la Commission dispose de la compétence nécessaire pour appliquer le droit de la concurrence de l’Union. Or, les requérantes auraient expressément accepté que le critère de la mise en œuvre était applicable en l’espèce, et elles n’auraient pas contesté que certains aspects clés de l’infraction en cause ont été mis en œuvre dans l’EEE.

45      Le premier moyen ne serait, en tout état de cause, pas fondé. En ce qui concerne, notamment, la première branche de ce moyen, les requérantes n’auraient mentionné aucun fait qui aurait été couvert par la décision litigieuse, mais qui ne l’aurait pas été par la communication des griefs. Dans la mesure où les requérantes considéraient que la décision litigieuse portait sur des faits pour lesquels la Commission n’avait aucune compétence territoriale, elles auraient donc pu aborder ces faits dans leur réponse à la communication des griefs. Partant, les requérantes n’auraient pas rapporté la preuve qu’elles n’avaient pas été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits allégués par la Commission. Il n’y aurait donc eu aucune violation de leurs droits de la défense.

46      En tout état de cause, une annulation de la décision litigieuse pour violation des droits de la défense ne serait possible que dans le cas où, en l’absence de l’irrégularité en cause, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent.  Or, tel ne serait pas le cas en l’espèce.

2.      Appréciation de la Cour

47      Par la première branche du premier moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que le fait que la décision litigieuse portait sur des faits qui avaient été exclus du champ d’application de l’infraction qui leur était reprochée dans la communication des griefs ne constituait pas une violation de leurs droits de la défense.

48      À cet égard, il convient de rappeler que la Commission a indiqué, au point 619 de la communication des griefs qu’elle a adressée aux requérantes, que l’infraction visée dans cette communication ne portait pas sur « les activités de l’entente se rapporta[n]t à des ventes réalisées dans des pays qui ne sont pas membres de l’Union ou de l’EEE ».

49      L’article 27, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement no 1/2003 dispose que « [l]a Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations ». Cette disposition entérine la jurisprudence de la Cour portant sur le règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [101 et 102 TFUE] (JO 1962, 13, p. 204), selon laquelle la communication des griefs constitue la garantie procédurale appliquant le principe fondamental du droit de l’Union qui exige le respect des droits de la défense dans toute procédure (arrêt du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, EU:C:2009:500, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

50      Ce principe exige, notamment, que la communication des griefs contienne les éléments essentiels retenus à l’encontre de l’entreprise concernée, tels que les faits reprochés, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée contre elle. En ce sens, un tel principe exclut que puisse être considérée comme étant licite une décision par laquelle la Commission impose à une entreprise une amende en matière de concurrence sans lui avoir préalablement communiqué les griefs retenus à son égard (arrêt du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, EU:C:2009:500, points 36 et 37 ainsi que jurisprudence citée).

51      En l’espèce, et contrairement à ce que la Commission a fait valoir à l’audience, il est constant que l’infraction constatée par la Commission dans la décision litigieuse porte sur certains comportements liés à des ventes à l’extérieur de l’EEE. En effet, selon les considérants 466 et 467 de la décision litigieuse, la compétence territoriale de la Commission pour sanctionner l’infraction en cause s’étendait à la configuration européenne de l’entente. Or, selon le considérant 107 de la décision litigieuse, cette configuration couvrait l’attribution de projets dans les « territoires d’exportation » qui avaient été attribués au groupe des producteurs européens.

52      Certes, il ressort du considérant 681 de la décision litigieuse que les activités de l’entente relatives à des ventes dans des pays qui n’appartiennent pas à l’Union ou à l’EEE n’étaient pas visées par cette décision si elles n’avaient pas d’effet sur le commerce dans l’Union ou dans l’EEE. Cependant, il ressort du considérant 469 de ladite décision que, selon la Commission, l’attribution de projets dans des pays « dans la périphérie de l’EEE » avait de tels effets.

53      Il s’ensuit que, en constatant, dans la décision litigieuse, que l’infraction en cause couvrait des comportements liés à des ventes dans des pays qui n’appartiennent ni à l’Union ni à l’EEE, la Commission a fondé cette décision sur des griefs au sujet desquels les requérantes n’avaient pas pu faire valoir leurs arguments, en violation de l’obligation prévue à l’article 27, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement no 1/2003.

54      L’argument de la Commission selon lequel lesdits comportements étaient toutefois mentionnés dans la communication de griefs n’est pas susceptible de remettre en cause cette conclusion. En effet, eu égard au libellé clair du point 619 de la communication des griefs, les requérantes ne pouvaient pas s’attendre à ce que la Commission envisageât de leur reprocher une violation du droit de la concurrence de l’Union en relation avec ces mêmes comportements.

55      Or, si, selon l’article 27, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement no 1/2003, la Commission n’est pas en droit de fonder ses décisions sur les griefs au sujet desquels les parties concernées n’ont pas pu faire valoir leurs arguments, étant donné qu’ils n’ont pas été mentionnés dans la communication des griefs, il en va d’autant plus pour des griefs qui, selon les indications explicites figurant dans cette communication de griefs, ne seraient pas pris en compte par la Commission.

56      Certes, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour qu’une violation des droits de la défense entraîne l’annulation de l’acte attaqué, il faut que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent, ce qu’il appartient à l’entreprise concernée de démontrer (arrêt du 16 juin 2016, SKW Stahl-Metallurgie et SKW Stahl-Metallurgie Holding/Commission, C‑154/14 P, EU:C:2016:445, point 69 ainsi que jurisprudence citée).

57      Cette jurisprudence n’est toutefois pas transposable à la violation de l’article 27, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement no 1/2003 qui, bien que visant la protection des droits de la défense, énonce, en des termes contraignants, que la Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations. Dès lors que la partie concernée n’a pas été en mesure d’assurer utilement sa défense au cours de la procédure administrative en ce qui concerne un grief donné, une violation des droits de la défense pouvant entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué doit être constatée (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2014, Ballast Nedam/Commission, C‑612/12 P, EU:C:2014:193, points 25 à 31 et 38).

58      Il s’ensuit que, en considérant que la Commission était en droit de constater, dans la décision litigieuse, que l’infraction en cause portait sur des comportements liés à des ventes dans des pays n’appartenant pas à l’Union ou à l’EEE, contrairement à ce que prévoit l’article 27, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement no 1/2003, le Tribunal a commis une erreur de droit.

59      Par conséquent, la première branche du premier moyen est fondée.

60      Les deuxième et troisième branches de ce moyen portent sur la question de savoir si la Commission pouvait considérer, en s’appuyant sur leur mise en œuvre ou leurs effets dans l’EEE, que l’infraction en cause couvrait des comportements liés à des ventes dans des pays n’appartenant pas à l’Union ou à l’EEE. Or, il ressort de l’examen de la première branche de ce moyen que la prise en compte de ces comportements dans la décision litigieuse n’était pas en conformité avec l’article 27, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement no 1/2003. Dans ces circonstances, il n’est plus nécessaire pour la Cour d’examiner les deuxième et troisième branches du premier moyen.

B.      Sur le deuxième moyen

61      Par leur deuxième moyen, qui s’articule en trois branches, les requérantes reprochent au Tribunal des erreurs de droit entachant sa conclusion selon laquelle la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant qu’elles ont participé à une infraction unique et continue ou qu’elles avaient le niveau de connaissance requis s’agissant des différents éléments de cette infraction.

1.      Sur la première branche du deuxième moyen

62      Dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, qui se subdivise en sept sous-branches, les requérantes font valoir que, en confirmant l’appréciation de la Commission selon laquelle les différents éléments de l’infraction en cause constituaient une infraction unique et continue, le Tribunal a commis une erreur de droit. Selon les requérantes, il s’agissait, en effet, d’infractions distinctes concernant, d’une part, les projets portant sur des câbles électriques souterrains et, d’autre part, les projets portant sur des câbles électriques sous-marins.

a)      Sur l’argument visant les ventes « pures » de câbles électriques

1)      Argumentation des parties

63      Dans le cadre de cette première branche, les requérantes font tout d’abord valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que leur argument visant l’inclusion, dans l’infraction en cause, des ventes « pures » de câbles électriques ne s’inscrivant pas dans un projet était inopérant.

64      Selon la Commission, cet argument est irrecevable, dans la mesure où les requérantes n’ont pas expliqué quelle erreur le Tribunal aurait commise à cet égard.

2)      Appréciation de la Cour

65      Il convient de rappeler qu’il résulte, notamment des dispositions de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (arrêt du 20 décembre 2017, Trioplast Industrier/Commission, C‑364/16 P, non publié, EU:C:2017:1008, point 21).

66      En l’espèce, il ressort des explications fournies par les requérantes que l’argument décrit au point 63 du présent arrêt vise la considération du Tribunal figurant au point 117 de l’arrêt attaqué selon laquelle, à supposer que les requérantes aient effectivement réalisé des ventes de câbles électriques qui ne s’inscrivaient pas dans un projet, cette circonstance serait sans incidence sur l’existence de l’infraction unique et continue constatée par la décision litigieuse, de sorte que cet argument pourrait être écarté comme étant inopérant. Or, les requérantes, qui se limitent à souligner que leur argument vise la portée matérielle de l’infraction en cause, n’expliquent aucunement comment cette considération du Tribunal pourrait être viciée par une erreur de droit. Il s’ensuit que cet argument doit être rejeté comme étant irrecevable.

b)      Sur la première sous-branche

1)      Argumentation des parties

67      Dans le cadre de la première sous-branche de la première branche du deuxième moyen, qui vise les points 121 à 123 de l’arrêt attaqué, les requérantes soutiennent, premièrement, que la conclusion du Tribunal, au point 123 de cet arrêt, selon laquelle l’accord sur le « territoire national » ne faisait pas de distinction entre les différents types de câbles électriques est entachée d’une erreur de droit en ce que le Tribunal ne répond pas à leur argument selon lequel différents « territoires nationaux » prévalent s’agissant, d’une part, des projets portant sur des câbles électriques souterrains et, d’autre part, des projets portant sur des câbles électriques sous-marins.

68      Deuxièmement, la conclusion du Tribunal, au point 121 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’accord sur le « territoire national » impliquait, s’agissant tant des projets portant sur des câbles électriques souterrains que des projets portant sur des câbles électriques sous-marins, les mêmes producteurs européens, sud-coréens et japonais, serait entachée d’une erreur de droit en ce qu’elle contredirait les motifs de la décision litigieuse selon lesquels, d’une part, Exsym Corporation n’avait participé qu’à la partie de l’entente concernant les projets portant sur des câbles électriques souterrains et, d’autre part, les producteurs sud-coréens n’avaient pas connaissance des pratiques relatives aux projets portant sur des câbles électriques sous-marins. Pour la même raison, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en jugeant, au même point de l’arrêt attaqué, que les personnes physiques impliquées dans les différents éléments de l’entente, à l’exception des employés de Pirelli, étaient les mêmes.

69      Troisièmement, la conclusion du Tribunal, au point 123 de l’arrêt attaqué, selon laquelle des compensations pouvaient s’opérer entre des projets portant sur des câbles électriques souterrains et des projets portant sur des câbles électriques sous-marins, et qu’il existait donc un lien entre les accords sur ces deux types de projets, serait entachée d’erreurs de droit.

70      D’une part, en ce qui concerne l’échange de courriels rapporté aux considérants 399 et 400 de la décision litigieuse et cité au considérant 535 de cette décision, le Tribunal aurait omis de répondre à l’argument des requérantes selon lequel cet échange porterait non pas sur une attribution de projets, mais sur l’attribution des travaux au sein d’un consortium, ainsi que le démontrerait la version non confidentielle de la réponse de Prysmian à la communication des griefs. Le fait pour le Tribunal de ne pas avoir examiné les preuves à décharge contenues dans la réponse de Prysmian constituerait également une violation de leurs droits de la défense et un défaut de motivation.

71      D’autre part, les autres exemples, mentionnés au point 123 de l’arrêt attaqué, n’auraient pas été cités au considérant 535 de la décision litigieuse, de sorte que le Tribunal aurait donc illégalement substitué sa propre motivation à celle de cette décision. En outre, ces exemples concerneraient des projets portant sur des câbles électriques souterrains et non des projets portant sur des câbles électriques sous-marins.

72      La Commission fait valoir que les arguments avancés par les requérantes dans le cadre de la première branche du deuxième moyen sont irrecevables ou inopérants.

2)      Appréciation de la Cour

73      En ce qui concerne, premièrement, le reproche des requérantes selon lequel, au point 123 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’aurait pas répondu à leur argument selon lequel différents « territoires nationaux » prévalaient s’agissant, d’une part, des projets portant sur des câbles électriques souterrains et, d’autre part, des projets portant sur des câbles électriques sous-marins, il suffit de relever que le Tribunal a répondu à cet argument aux points 138 et 139 de l’arrêt attaqué.

74      Deuxièmement, en ce qui concerne la conclusion du Tribunal, au point 121 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’accord sur le « territoire national » impliquait, s’agissant tant des projets portant sur des câbles électriques souterrains que des projets portant sur des câbles électriques sous-marins, les mêmes producteurs européens, sud-coréens et japonais, certes, il ressort de la décision litigieuse qu’Exsym Corporation n’a participé qu’à la partie de l’entente concernant les projets portant sur des câbles électriques souterrains et que les producteurs sud-coréens n’avaient pas connaissance des pratiques relatives aux projets portant sur des câbles électriques sous-marins. Il est également vrai que la conclusion du Tribunal selon laquelle les personnes physiques impliquées dans les différents éléments de l’entente, à une exception près, étaient les mêmes ne se révèle pas entièrement conforme aux constats faits à cet égard dans la décision litigieuse.

75      Toutefois, il convient de relever qu’il n’y a pas de contradiction entre la conclusion du Tribunal et la décision litigieuse dans la mesure où le noyau dur des participants, et de leurs représentants, était le même. En tout état de cause, les requérantes n’ont pas démontré que les erreurs commises par le Tribunal à cet égard seraient susceptibles de remettre en cause sa conclusion générale confirmant l’existence d’une infraction unique et continue couvrant tant les projets portant sur des câbles électriques souterrains que des projets portant sur des câbles électriques sous-marins.

76      Troisièmement, en ce qui concerne la conclusion du Tribunal, au point 123 de l’arrêt attaqué, selon laquelle des compensations pouvaient s’opérer entre des projets portant sur des câbles électriques souterrains et des projets portant sur des câbles électriques sous-marins et qu’il existait donc un lien entre les accords sur ces deux types de projets, il convient de rappeler que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 40 ainsi que jurisprudence citée).

77      En l’espèce, il ressort du point 123 de l’arrêt attaqué que la conclusion à laquelle le Tribunal est arrivé à ce point est fondée sur l’appréciation de plusieurs cas de compensation décrits dans la décision litigieuse. Le fait que, pour un de ces cas, le Tribunal n’ait pas examiné les preuves à décharge soumis par les requérantes, à le supposer établi, n’est donc pas susceptible de prouver l’existence d’une erreur de droit de la part du Tribunal, étant donné que les requérantes n’ont pas allégué ni établi une dénaturation des éléments de preuve en ce qui concerne les autres cas de compensation auxquels le Tribunal a fait référence. En effet, ces autres cas suffisaient pour fonder la conclusion du Tribunal selon laquelle des compensations pouvaient s’opérer entre des projets portant sur des câbles électriques souterrains et des projets portant sur des câbles électriques sous-marins.

78      En outre, il y a lieu de relever que, au point 535 de la décision litigieuse, et pour démontrer que des compensations pouvaient s’opérer entre des projets portant sur des câbles électriques souterrains et des projets portant sur des câbles électriques sous-marins, la Commission a fait référence à ce qu’elle a appelé un « exemple » d’une telle compensation. En s’appuyant également sur d’autres cas de compensation qui étaient mentionnés dans la décision litigieuse, le Tribunal n’a donc pas substitué son propre raisonnement à celui de la Commission à cet égard.

79      Il s’ensuit que la première sous-branche de la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

c)      Sur la deuxième sous-branche

1)      Argumentation des parties

80      Dans le cadre de la deuxième sous-branche de la première branche du deuxième moyen, qui vise les points 124 à 127 de l’arrêt attaqué, les requérantes font valoir que le Tribunal a considéré à tort que les projets portant sur des câbles électriques souterrains et ceux portant sur des câbles électriques sous-marins avaient fait l’objet des mêmes sessions au cours des réunions qui se sont tenues dans le cadre de l’infraction en cause.

81      Premièrement, la conclusion du Tribunal, au point 127 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il n’y aurait qu’un seul exemple de sessions séparées lors des réunions ayant eu lieu dans le cadre de la configuration A/R de l’entente serait erronée en ce qu’elle contredirait à la fois l’annexe I de la décision litigieuse, d’où il ressortirait, d’une part, que le représentant d’Exsym Corporation n’avait assisté qu’à la session sur les projets portant sur des câbles électriques souterrains lors de neuf réunions ayant eu lieu entre les années 2002 et 2006 et, d’autre part, que le représentant de Prysmian n’avait participé qu’aux discussions concernant les projets portant sur des câbles électriques sous-marins lors de trois réunions ayant eu lieu au cours des années 2002 et 2004.

82      Deuxièmement, les requérantes soutiennent que, lors de l’audience devant le Tribunal, elles ont expliqué que la façon dont les comptes rendus regroupaient systématiquement les discussions sur les projets portant sur des câbles électriques souterrains et sur des câbles électriques sous-marins correspondait aux différentes sessions organisées lors des réunions ayant eu lieu dans le cadre de la configuration A/R de l’entente.

83      En outre, elles auraient indiqué au Tribunal qu’elles avaient trouvé des invitations à ces réunions qui, elles aussi, dressaient une liste de différentes sessions pour les projets portant sur des câbles électriques souterrains et les projets portant sur des câbles électriques sous-marins. En n’examinant aucun de ces arguments, ni les éléments de preuve mettant clairement en évidence que des sessions différentes étaient organisées pour les projets portant sur des câbles électriques souterrains et les projets portant sur des câbles électriques sous-marins, le Tribunal n’aurait pas suffisamment apprécié la force probante des preuves avancées par elles et n’aurait pas suffisamment motivé sa conclusion.

84      Troisièmement, la Commission n’aurait produit aucun élément de preuve permettant de démontrer que les projets en cause avaient fait l’objet de discussions au cours de sessions communes lors d’au moins treize réunions, dans le cadre de la configuration A/R de l’entente, comme le Tribunal l’a affirmé au point 127 de l’arrêt attaqué. La Commission aurait transmis douze documents au Tribunal, relatifs à dix réunions seulement, et aurait ajouté le compte rendu d’une autre réunion.

85      La Commission s’oppose à cette argumentation.

2)      Appréciation de la Cour

86      En ce qui concerne, premièrement, l’argument des requérantes visant le point 127 de l’arrêt attaqué, il suffit de relever que le fait qu’une entreprise n’a pas participé à une partie des réunions ayant eu lieu dans le cadre de l’infraction en cause ne signifie pas que ces réunions aient toutes consisté en deux séances entièrement distinctes et indépendantes.

87      Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel le Tribunal aurait omis de prendre en compte les arguments qu’elles auraient avancés lors de l’audience et les documents auxquels elles auraient fait référence à cette occasion afin de démontrer que les réunions ayant eu lieu dans le cadre de la configuration A/R de l’entente comportaient des sessions différentes pour, d’une part, les projets portant sur des câbles électriques souterrains et, d’autre part, ceux portant sur des câbles électriques sous-marins, il convient de relever que, conformément à une jurisprudence constante, le Tribunal n’est pas tenu de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige dès lors que la motivation permet aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles il n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 72 ainsi que jurisprudence citée).

88      En l’espèce, il convient de relever que le Tribunal a expliqué, aux points 124 à 127 de l’arrêt attaqué, la raison pour laquelle il considérait que les arguments des requérantes n’étaient pas convaincants. En outre, il ressort de ces points de l’arrêt attaqué que le Tribunal a pris en compte les documents que les requérantes lui avaient soumis, sans que les requérantes aient allégué ou établi une dénaturation des éléments de preuve à cet égard.

89      Troisièmement, en ce qui concerne la considération du Tribunal, au point 127 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission avait fourni des preuves concernant au moins treize réunions dans le cadre de la configuration A/R de l’entente, il y a lieu de constater que, même à supposer que ces preuves ne concernaient en réalité que dix réunions, les requérantes n’ont pas exposé en quoi une éventuelle erreur du Tribunal aurait été susceptible de remettre en cause le bien-fondé de ses conclusions générales.

90      Il s’ensuit que la deuxième sous-branche de la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

d)      Sur la troisième sous-branche

91      Dans le cadre de la troisième sous-branche de la première branche du deuxième moyen, qui vise les points 128 à 135 de l’arrêt attaqué, les requérantes allèguent que le Tribunal a commis des erreurs de droit en méconnaissant le fait qu’il y avait des différences importantes entre, d’une part, les arrangements pour les projets portant sur des câbles électriques souterrains et, d’autre part, les arrangements pour les projets portant sur des câbles électriques sous-marins.

1)      Argumentation des parties

92      Premièrement, selon les requérantes, le Tribunal a dénaturé leurs conclusions en prétendant, aux points 129 et 130 de l’arrêt attaqué, qu’elles avaient affirmé que les réunions des membres R de l’entente (ci-après les « réunions R ») étaient divisées en différentes sessions, selon que les discussions concernaient les projets portant sur des câbles électriques sous-marins ou ceux portant sur des câbles électriques souterrains. En réalité, elles auraient soutenu que les réunions R venaient compléter les sessions tenues dans le cadre de la configuration A/R de l’entente sur les projets portant sur des câbles électriques souterrains et que les contacts entre ABB et les grands producteurs venaient compléter les sessions tenues dans le cadre de la configuration A/R de l’entente sur les projets portant sur des câbles électriques sous-marins.

93      Deuxièmement, le Tribunal n’aurait pas suffisamment motivé son raisonnement en ne répondant pas aux arguments et aux éléments de preuve essentiels présentés par les requérantes au sujet des mécanismes d’attribution distincts.

94      Troisièmement, tandis que, dans la décision litigieuse, la Commission avait indiqué que des questions relatives aux projets portant sur des câbles électriques sous-marins étaient abordées « occasionnellement » lors des réunions R, cette dernière aurait avancé, dans sa réponse à une question du Tribunal sur ce point, que tel était le cas « de manière générale ». Le Tribunal aurait partagé ce point de vue de la Commission dans l’arrêt attaqué. Or, il s’agirait d’une substitution illégale de la motivation de la décision litigieuse.

95      Quatrièmement, s’agissant de l’affirmation de la Commission selon laquelle les réunions R donnaient lieu à des discussions illicites sur des projets portant sur des câbles électriques sous-marins et à l’attribution de tels projets, le Tribunal, en ne répondant pas à leurs arguments et en s’en remettant à de simples hypothèses, y compris en ce qui concerne le projet « GCC », aurait violé le principe de la présomption d’innocence, n’aurait pas satisfait au niveau de preuve requis et aurait manqué à son obligation de motivation. Certes, les notes de la réunion R des 30 juin et 1er juillet 2004, visées par le point 133 de l’arrêt attaqué, feraient référence à deux projets portant sur des câbles électriques sous-marins. Toutefois, ces projets n’auraient été mentionnés que sous la forme d’informations générales sur le marché.

96      En outre, le Tribunal aurait dénaturé les éléments de preuve et l’argumentation afférente à ces derniers en affirmant, au point 134 de l’arrêt attaqué, que le fait que les projets « Ireland 220 kV » et « GCC » aient nécessité une technologie que les requérantes ne possédaient pas serait sans conséquence sur le constat que ces projets ont fait effectivement l’objet de discussions lors de cette réunion. En réalité, elles auraient seulement fait valoir que la Commission avait commis une erreur en qualifiant ces projets de « projets portant sur des câbles électriques sous-marins ».

97      Cinquièmement, l’affirmation du Tribunal, au point 134 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les requérantes contestaient la fiabilité des notes relatives à une réunion R constituerait une dénaturation de l’argument qu’elles avaient soulevé devant le Tribunal, étant donné qu’elles auraient seulement remis en cause l’interprétation qui avait été faite de ces notes par la Commission. La considération du Tribunal, au même point de l’arrêt attaqué, selon laquelle ces notes mentionnaient l’attribution du projet « Ireland 220 kV » à une entreprise ne faisant pas partie de l’entente constituerait également une dénaturation de l’argument qu’elles avaient soulevé devant le Tribunal, étant donné qu’elles n’auraient jamais affirmé qu’une telle attribution eût lieu.

98      La Commission s’oppose à cette argumentation.

2)      Appréciation de la Cour

99      Il y a lieu de relever, premièrement, que, comme les requérantes l’ont fait valoir, ces dernières avaient indiqué, dans leur requête introductive d’instance, que les réunions R venaient compléter les sessions A/R sur les projets portant sur des câbles électriques souterrains et que les contacts entre ABB et les grands producteurs venaient compléter les sessions A/R sur les projets portant sur des câbles électriques sous-marins, ces derniers n’ayant jamais été décrits, selon les requérantes, comme étant des sessions de réunions R. 

100    Or, à supposer que le Tribunal ait commis une erreur en considérant, au point 129 de l’arrêt attaqué, que, à l’audience, les requérantes avaient soutenu que les réunions R étaient bien divisées en sessions différentes, selon que les discussions concernaient les projets portant sur des câbles électriques souterrains ou ceux portant sur des câbles électriques sous-marins, cette erreur ne serait pas susceptible de remettre en cause la constatation du Tribunal, au point 128 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les réunions R débutaient par une partie générale au cours de laquelle Nexans et Pirelli ou Prysmian informaient les producteurs européens de moindre importance des événements intervenus dans le cadre des réunions A/R, qui couvraient elles-mêmes à la fois les projets portant sur des câbles électriques souterrains et ceux portant sur des câbles électriques sous-marins.

101    À cet égard, il convient de rappeler que les requérantes reconnaissent que les notes de la réunion R des 30 juin et 1er juillet 2004, mentionnées au point 133 de l’arrêt attaqué, font référence à deux projets portant sur des câbles électriques sous-marins. Bien que les requérantes fassent valoir que ces projets n’étaient mentionnés que sous la forme d’informations générales sur le marché, elles n’ont pas établi que le Tribunal avait commis une erreur de droit en considérant qu’il s’agissait de projets qui avaient été discutés lors de cette réunion R.

102    Deuxièmement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel le Tribunal n’aurait pas suffisamment motivé son raisonnement concernant les mécanismes d’attribution prétendument distincts, il y a lieu de relever que, aux points 138 et 139 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu que l’accord sur le « territoire national » s’appliquait indistinctement aux projets portant sur des câbles électriques souterrains et aux projets portant sur des câbles électriques sous-marins et que, en principe, les territoires d’exportation étaient les mêmes qu’il s’agît des projets portant sur des câbles électriques souterrains ou des projets portant sur des câbles électriques sous-marins. Partant, bien que de manière succincte, le Tribunal a répondu à l’argument des requérantes visant ce point.

103    Troisièmement, il y a lieu de relever que l’argument des requérantes concernant l’utilisation de l’expression « de manière générale » par la Commission vise le comportement de cette dernière et n’est donc pas susceptible d’établir une erreur de droit de la part du Tribunal. Bien que les requérantes allèguent que le Tribunal a partagé, dans l’arrêt attaqué, la position de la Commission selon laquelle les projets portant sur des câbles électriques sous-marins et ceux portant sur les câbles souterrains faisaient l’objet de discussions au cours d’une réunion unique lors des réunions R, sur ce point elles ne fournissent aucune précision à cet égard, notamment en ce qui concerne leur argument selon lequel le Tribunal aurait ainsi substitué sa propre motivation à celle figurant dans la décision litigieuse.

104    Quatrièmement, s’agissant des arguments visant l’appréciation faite par le Tribunal de l’affirmation de la Commission selon laquelle les réunions R donnaient lieu à des discussions illicites sur des projets portant sur des câbles électriques sous-marins et à l’attribution de tels projets, force est de constater que, sous le couvert d’une violation du principe de la présomption d’innocence, des règles régissant la charge de la preuve et de l’obligation de motivation, les requérantes visent, en réalité, à remettre en cause l’appréciation des éléments de preuve par le Tribunal. À cet égard, il y a lieu de relever que, bien que les requérantes aient allégué que le Tribunal avait, au point 134 de l’arrêt attaqué, commis une dénaturation des éléments de preuve, elles n’ont aucunement démontré en quoi cette dénaturation aurait consisté. À la lumière de la jurisprudence citée au point 76 du présent arrêt, ces arguments doivent donc être rejetés comme étant irrecevables.

105    Cinquièmement, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel le Tribunal aurait, au point 134 de l’arrêt attaqué, dénaturé leur argumentation, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont pas établi l’existence d’une telle dénaturation.

106    Il s’ensuit que la troisième sous-branche de la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

e)      Sur la quatrième sous-branche

1)      Argumentation des parties

107    Dans le cadre de la quatrième sous-branche de la première branche du deuxième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur en relevant, au point 136 de l’arrêt attaqué, qu’elles auraient affirmé que les pratiques relatives aux projets portant sur des câbles électriques souterrains ont pris fin dès l’année 2006. En réalité, elles auraient indiqué, dans leur requête introductive d’instance, que ces pratiques avaient duré moins longtemps que celles concernant les projets portant sur des câbles électriques sous-marins dans la mesure où, après l’année 2006, la majorité des projets discutés entre les membres du noyau dur de l’entente aurait été des projets portant sur des câbles électriques sous-marins.

108    La Commission s’oppose à cette argumentation.

2)      Appréciation de la Cour

109    Dans la mesure où les requérantes souhaitent faire valoir que le Tribunal a omis de tenir compte du fait que l’entente avait une durée différente s’agissant, d’une part, des projets portant sur des câbles électriques sous-marins et, d’autre part, des projets portant sur des câbles électriques souterrains, il suffit de constater qu’elles n’ont pas allégué, ni établi, que, en considérant, sur le fondement des éléments de preuve qui lui avaient été présentés, que l’entente continuait à couvrir ces derniers projets au-delà de l’année 2006, le Tribunal aurait dénaturé ces éléments de preuve. En outre, il convient de relever que, en affirmant que, après l’année 2006, la majorité des projets discutés dans le cadre de l’entente était des projets portant sur des câbles électriques sous-marins, les requérantes admettent implicitement que les discussions abordées au cours de cette période portaient également sur des projets portant sur des câbles électriques souterrains.

110    Il s’ensuit que la quatrième sous-branche de la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

f)      Sur la cinquième sous-branche

1)      Argumentation des parties

111    Dans le cadre de la cinquième sous-branche de la première branche du deuxième moyen, qui porte sur les différences alléguées entre les « territoires d’exportation » pour, d’une part, les projets portant sur des câbles électriques souterrains et, d’autre part, ceux portant sur des câbles électriques sous-marins, les requérantes soutiennent, premièrement, que le Tribunal a reflété de manière erronée leur position sur un accord et une association ayant précédé l’entente, à savoir le Super Tension Cables Export Agreement (accord sur l’exportation de câbles à très haute tension, ci-après l’« accord STEA »), qui concernait les câbles électriques souterrains, et la Sub-marine Cable Export Association (Association pour l’exportation de câbles sous-marins, ci-après la « SMEA »), a dénaturé les preuves sous-jacentes et a substitué sa propre motivation à celle de la Commission dans la première partie du point 139 de l’arrêt attaqué.

112    Deuxièmement, en concluant, audit point 139, que les preuves soumises par les requérantes ne sauraient démontrer que la Grèce ne faisait pas partie des « territoires d’exportation » pour les projets portant sur des câbles électriques souterrains, le Tribunal aurait effectué un renversement irrégulier de la charge de la preuve.

113    Troisièmement, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en considérant, à la fin du point 139 de l’arrêt attaqué, que, si leur allégation selon laquelle la Grèce ne faisait pas partie des « territoires d’exportation » pour les projets portant sur des câbles électriques souterrains était démontrée, cela signifierait simplement qu’il existait une exception, ce qui renforcerait l’idée que, en principe, les « territoires d’exportation » étaient les mêmes qu’il s’agît des projets portant sur des câbles électriques sous-marins ou des projets portant sur des câbles électriques souterrains. En effet, si la Grèce n’était pas un « territoire d’exportation » pour les projets portant sur des câbles électriques souterrains, l’accord sur les « territoires d’exportation » pour ces projets aurait été entièrement mis en œuvre en dehors de l’EEE et n’aurait donc pas pu constituer un élément de l’infraction en cause, eu égard au point 619 de la communication des griefs.

114    La Commission s’oppose à cette argumentation.

2)      Appréciation de la Cour

115    En ce qui concerne, premièrement, les explications fournies par le Tribunal, au point 139 de l’arrêt attaqué, au sujet de l’accord STEA et de la SMEA, les arguments des requérantes doivent être considérés comme étant inopérants, dès lors que le Tribunal ne fonde pas sur ces explications la conclusion à laquelle il est parvenu audit point.

116    S’agissant, deuxièmement, des arguments visant l’appréciation du Tribunal en ce qui concerne la question de savoir si la Grèce faisait partie des « territoires d’exportation » pour les projets portant sur des câbles électriques souterrains, il convient de rappeler que, à cet égard, le Tribunal s’est fondé sur deux considérations.

117    D’une part, il a considéré qu’il ne ressortait pas des documents produits par les requérantes que la Grèce ne faisait pas partie de ces territoires, étant donné que ces documents permettaient seulement de constater que, au cours de la période couverte par lesdits documents, à savoir les années 2001 et 2002, aucun projet portant sur des câbles électriques souterrains n’avait fait l’objet d’une attribution en Grèce alors que deux projets portant sur des câbles électriques sous-marins avaient fait l’objet d’une attribution dans ce pays.

118    D’autre part, comme les requérantes l’ont reconnu au point 60 de leur pourvoi, le Tribunal a relevé que, même à supposer que la Grèce ne fît pas partie des « territoires d’exportation » pour les projets portant sur des câbles électriques souterrains, cela signifierait simplement qu’il existait une exception concernant la définition de ces territoires, ce qui renforcerait l’idée que, en principe, ceux-ci étaient les mêmes qu’il s’agît des projets portant sur des câbles électriques sous-marins ou des projets portant sur des câbles électriques souterrains.

119    Il s’ensuit que, même à supposer que le Tribunal ait commis une erreur en considérant que la Grèce faisait partie des « territoires d’exportation » pour les projets portant sur des câbles électriques souterrains, une telle erreur ne saurait affecter la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu au point 139 de l’arrêt attaqué, étant donné que le Tribunal a explicitement pris en compte la possibilité que la Grèce ne fasse pas partie de ces territoires. En tout état de cause, les requérantes n’ont pas démontré que le fait que, selon elles, il y avait des différences entre les « territoires d’exportation » pour, d’une part, les projets portant sur des câbles électriques souterrains et, d’autre part, ceux portant sur des câbles électriques sous-marins pourrait remettre en cause la conclusion du Tribunal selon laquelle la Commission était en droit de considérer, sur le fondement de tous les éléments de preuve invoqués dans la décision litigieuse, que les requérantes avaient participé à une infraction unique et continue visant tous ces projets.

120    En ce qui concerne, troisièmement, l’argument des requérantes par lequel ces dernières soutiennent, en substance, que, si la Grèce n’avait pas fait partie des « territoires d’exportation » pour les projets portant sur des câbles électriques souterrains, la Commission n’aurait pas été en droit d’inclure dans la décision litigieuse l’accord sur le « territoire d’exportation » pour ces projets dans l’infraction en cause, il suffit de relever qu’un tel argument, qui vise la compétence de la Commission pour sanctionner cette infraction et non l’étendue de celle-ci, n’est pas susceptible de remettre en cause la conclusion du Tribunal citée au point précédent du présent arrêt.

121    Il s’ensuit que la cinquième sous-branche de la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

g)      Sur la sixième sous-branche

1)      Argumentation des parties

122    Dans le cadre de la sixième sous-branche de la première branche du deuxième moyen, qui vise le point 140 de l’arrêt attaqué, les requérantes font valoir que les arrangements que l’entente comportait pour, d’une part, les projets portant sur des câbles électriques sous-marins et, d’autre part, ceux portant sur des câbles électriques souterrains trouvaient leur origine dans deux régimes différents, à savoir la SMEA et l’accord STEA. Au point 140 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait simplement indiqué que la SMEA et l’accord STEA offraient une perspective historique importante et que les requérantes n’avaient pas rapporté la preuve que les projets portant sur des câbles électriques sous-marins et des câbles électriques souterrains faisaient l’objet d’une attribution différente dans l’EEE. Or, cette dernière considération serait entachée d’une erreur de droit.

123    La Commission s’oppose à cette argumentation.

2)      Appréciation de la Cour

124    Il suffit de relever à cet égard que, dans le cadre de cette sous-branche, les requérantes n’avancent aucun argument concret de nature à établir l’existence d’une erreur de droit dans l’arrêt attaqué, mais se limitent, en substance, à faire référence aux arguments qu’elles ont avancés dans le cadre de la cinquième sous-branche de la première branche du deuxième moyen, qui ont déjà été rejetés par la Cour.

125    Il s’ensuit que la sixième sous-branche de la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

h)      Sur la septième sous-branche

1)      Argumentation des parties

126    Dans le cadre de la septième sous-branche de la première branche du deuxième moyen, visant l’absence prétendue d’objectif unique, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant, au point 141 de l’arrêt attaqué, et au moyen d’une référence générale à l’existence d’une distorsion de la concurrence sur le marché concerné, que les petits producteurs de câbles électriques souterrains et les producteurs de câbles électriques sous-marins avaient partagé un objectif commun, sans examiner leur argument selon lequel les petits producteurs de câbles électriques souterrains avaient été exclus des réunions A/R et de l’accord européen relatif aux câbles électriques sous-marins. Le cas concret cité par le Tribunal constituerait un exemple isolé sur une période de plus de dix ans, impliquant un seul petit producteur de câbles électriques souterrains et ne saurait être considéré comme constituant la preuve que les petits producteurs de câbles électriques souterrains partageaient un objectif commun avec les producteurs de câbles électriques sous-marins. 

127    La Commission s’oppose à cette argumentation.

2)      Appréciation de la Cour

128    À cet égard, il suffit de relever que, au point 141 de l’arrêt attaqué, et contrairement à ce que les requérantes soutiennent, la notion d’« objectif commun » a été déterminée non pas par une référence générale à l’existence d’une distorsion de la concurrence sur les marchés concernés par l’infraction en cause, mais par référence au fait que des petits producteurs, comme les requérantes, avaient des raisons de partager l’objectif unique de l’entente tel que décrit au point 121 de l’arrêt attaqué, dès lors que, en soutenant cet objectif général, ils pouvaient obtenir l’attribution de projets portant sur des câbles électriques souterrains à haute tension dans les « territoires d’exportation » et obtenir une protection sur leurs territoires nationaux respectifs.

129    Dans ces circonstances, l’argument des requérantes visant le prétendu manque de pertinence de l’exemple concret mentionné par le Tribunal, au point 141 de l’arrêt attaqué, doit être rejeté comme étant inopérant, dans la mesure où il n’est pas susceptible de remettre en cause cette conclusion.

130    Il s’ensuit que la septième sous-branche de la première branche du deuxième moyen et, partant, la première branche du deuxième moyen dans son intégralité doivent être rejetées.

2.      Sur la deuxième branche du deuxième moyen

131    Par la deuxième branche du deuxième moyen, les requérantes contestent la conclusion du Tribunal selon laquelle la Commission n’aurait pas commis d’erreur en considérant qu’elles avaient le niveau de connaissance requis s’agissant de l’existence de certains éléments de l’infraction unique et continue. Cette branche est divisée en cinq sous-branches.

a)      Sur la première sous-branche

1)      Argumentation des parties

132    Par la première sous-branche de la deuxième branche du deuxième moyen, les requérantes critiquent la conclusion du Tribunal, au point 154 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission n’aurait pas commis d’erreur en considérant qu’elles avaient connaissance ou, pour le moins, pouvaient raisonnablement prévoir l’existence des éléments de l’infraction en cause relatifs aux projets portant sur des câbles électriques sous-marins.

133    Premièrement, en ce qui concerne le constat du Tribunal, au point 149 de l’arrêt attaqué, selon lequel les participants aux réunions R étaient informés des discussions relatives aux projets portant sur des câbles électriques sous-marins qui se tenaient lors des réunions A/R et que l’organisation de réunions séparées pour les câbles électriques sous-marins ne correspondait pas à la pratique habituelle, les requérantes renvoient aux arguments qu’elles ont invoqués au sujet des points 128 à 135 de l’arrêt attaqué dans le cadre de la première branche du deuxième moyen.

134    Deuxièmement, pour ce qui est du constat du Tribunal, au point 150 de l’arrêt attaqué, selon lequel les employés des requérantes ayant participé aux réunions R ont été en contact avec les représentants de deux autres sociétés, qui avaient connaissance des éléments de l’infraction en cause relatifs aux projets portant sur des câbles électriques sous-marins, les requérantes soutiennent que la décision litigieuse indiquerait seulement que ces deux entreprises avaient connaissance du principe de « territoire national », mais non des arrangements relatifs aux projets portant sur des câbles électriques sous-marins. En outre, la simple hypothèse que d’autres personnes aient pu informer les employés des requérantes qu’elles avaient connaissance de ces éléments ne satisferait pas à la charge de la preuve.

135    Troisièmement, en ce qui concerne le fait mentionné au point 152 de l’arrêt attaqué, à savoir la proposition, faite à la réunion R du 15 mars 2005, de confier aux requérantes un rôle de « coordinateur national » pour la Suède, au motif qu’ABB était occupée par le projet « NorNed », à savoir un projet portant sur des câbles électriques sous-marins, les requérantes font valoir que ce projet avait déjà été attribué au cours de l’année 2000 et que le fait qu’il avait été mentionné à la réunion du 15 mars 2005 ne signifiait pas qu’elles avaient eu connaissance d’accords collusoires relatifs à des projets portant sur des câbles électriques sous-marins.

136    Quatrièmement, en ce qui concerne la considération du Tribunal, au point 153 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il ressortirait des éléments de preuve produits par la Commission que, d’une part, les requérantes avaient pris part aux aspects « non écrits » de la SMEA, qui prévoyaient l’absence de concurrence entre les producteurs japonais et européens sur leurs territoires nationaux respectifs ainsi qu’un quota de répartition des projets dans le reste du monde, et qu’elles avaient également pris part aux mêmes aspects « non écrits » de l’accord STEA, et, d’autre part, que le parallèle avec le fonctionnement de ces accords précédents aurait dû faire comprendre aux requérantes ou les inciter à s’interroger sur le fait que l’entente pouvait s’étendre aux câbles électriques sous-marins, les requérantes soutiennent que leur adhésion officielle à la SMEA et à l’accord STEA ne prouve pas leur participation à la convention « non écrite » alléguée. À cet égard, le Tribunal n’expliquerait pas de manière satisfaisante son raisonnement, ne satisferait pas au niveau de preuve exigé, se mettrait en contradiction avec les conclusions de la décision litigieuse et dénaturerait les éléments de preuve sous-jacents.

137    La Commission fait valoir que, par les arguments invoqués dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen, les requérantes visent, de manière irrecevable, à obtenir une nouvelle appréciation des faits par la Cour. En tout état de cause, l’arrêt attaqué ne serait vicié par aucune erreur à cet égard. En outre, les arguments soulevés pour la première fois dans le pourvoi devraient être rejetés comme étant irrecevables.

2)      Appréciation de la Cour

138    Ainsi que le Tribunal l’a relevé, au point 148 de l’arrêt attaqué, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une entreprise ayant participé à une infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’« accord » ou de « pratique concertée » ayant un objet anticoncurrentiel, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut être également responsable des comportements adoptés par d’autres entreprises dans le cadre de cette infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 172 et jurisprudence citée).

139    En l’espèce, il convient donc d’examiner si le Tribunal était en droit de juger que la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant que les requérantes avaient eu connaissance ou, pour le moins, avaient pu raisonnablement prévoir l’existence des éléments de l’infraction en cause relatifs aux projets portant sur des câbles électriques sous-marins.

140    À cet égard, il convient de relever que, au point 149 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé, ainsi qu’il l’avait déjà fait aux points 128 à 135 de cet arrêt, que les réunions R commençaient par une partie générale au cours de laquelle Nexans et Pirelli ou Prysmian informaient les producteurs européens de moindre importance, tels que les requérantes, des événements intervenus dans le cadre des réunions A/R qui concernaient aussi bien les câbles électriques sous-marins que les câbles électriques souterrains et que l’organisation de sessions séparées selon les types de câbles électriques lors des réunions R ne correspondait pas à la pratique habituelle des membres de l’entente. Or, ainsi que cela a été expliqué aux points 100 et 101 du présent arrêt, il ressort de l’examen de la première branche du deuxième moyen que les requérantes n’ont pas réussi à démontrer que l’appréciation du Tribunal ainsi faite audit point 149 serait viciée par une erreur de droit.

141    Dans ces circonstances, le Tribunal était en droit de conclure que la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant, dans la décision litigieuse, que les requérantes savaient ou, à tout le moins, pouvaient raisonnablement prévoir que l’entente concernait des projets portant sur des câbles électriques sous-marins, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si le Tribunal pouvait fonder cette conclusion également sur les considérations figurant aux points 150 à 153 de l’arrêt attaqué.

142    Il s’ensuit que la première sous-branche de la deuxième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

b)      Sur la deuxième sous-branche

1)      Argumentation des parties

143    Par la deuxième sous-branche, les requérantes s’opposent à la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu, au point 163 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant qu’elles avaient connaissance ou, à tout le moins, auraient dû avoir connaissance de l’accord sur le « territoire national ».

144    Premièrement, la conclusion du Tribunal, au point 158 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, du fait que l’accord sur le « territoire national » portait non pas sur l’attribution de projets, mais sur une abstention de faire, sa mise en œuvre n’avait pas nécessité de discussions particulières, en dehors des éventuels cas de violation, dénaturerait la décision litigieuse et les éléments de preuve sur lesquels elle repose.

145    Deuxièmement, en ce qui concerne les conclusions que le Tribunal a tirées, au point 159 de l’arrêt attaqué, de la circonstance que les requérantes avaient expliqué avoir eu connaissance, à une réunion R, du fait que la raison pour laquelle Prysmian et les producteurs sud-coréens ne s’appréciaient pas était que Prysmian était entrée sur le marché sud-coréen et que les producteurs sud-coréens étaient ensuite, en réaction, entrés sur le marché européen, les requérantes font valoir que le Tribunal ne conteste pas leur argument selon lequel les grands producteurs européens ne seraient jamais parvenus à un accord sur le « territoire national » avec les producteurs sud-coréens et que les grands producteurs européens les auraient systématiquement exclues de leurs communications avec les producteurs sud-coréens concernant l’attribution de projets à réaliser dans l’EEE.

146    En outre, l’hypothèse du Tribunal, énoncée au point 159 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le fait que, avant ces événements, les producteurs sud-coréens et les producteurs européens s’étaient abstenus d’entrer sur leurs marchés respectifs, pouvait laisser légitimement penser aux requérantes qu’il existait un accord prévoyant le respect du « territoire national », ne vaudrait, à la supposer établie, que pour la période antérieure à l’entrée de Prysmian sur le marché sud-coréen qui aurait eu lieu dans les années 90. En tout état de cause, l’idée que l’absence d’un producteur d’un marché donné laisse présumer une répartition du marché serait contraire aux règles relatives à l’évaluation des preuves. Par conséquent, l’approche du Tribunal enfreindrait le principe de la présomption d’innocence.

147    Troisièmement, la considération du Tribunal, au point 160 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les requérantes pouvaient être « enclines » à considérer la possibilité qu’il y avait un accord sur le « territoire national », sur la base de leur prétendue participation aux aspects non écrits de l’accord STEA, constituerait une extension injustifiée de leur responsabilité. 

148    Quatrièmement, en ce qui concerne la considération du Tribunal, au point 161 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il est assez difficile d’imaginer que les membres A et R de l’entente se soient mis d’accord pour s’attribuer des projets portant sur des câbles électriques dans un certain nombre de « territoires d’exportation », tout en acceptant de se faire pleinement concurrence sur leurs « territoires nationaux », les requérantes soulignent que le Tribunal lui-même reconnaît que cela est techniquement envisageable.

149    Cinquièmement, s’agissant de la considération du Tribunal, figurant dans la première partie du point 162 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’explication fournie par les requérantes sur la raison de l’absence des entreprises japonaises sur le marché européen et sur leur propre absence sur le marché de l’Asie du Nord ne serait pas cohérente avec leur affirmation selon laquelle l’entrée des producteurs sud-coréens sur le marché européen faisait partie d’un processus de concurrence normal, le Tribunal se serait contenté de relever l’existence d’une incohérence sans fournir de raison à l’appui de cette conclusion. En outre, leur argumentation serait cohérente.

150    Sixièmement, la considération du Tribunal, figurant dans la deuxième partie du point 162 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la thèse des requérantes concernant l’entrée des producteurs sud-coréens sur le marché européen n’est pas confirmée par un document invoqué par ces dernières constituerait une dénaturation de leur argument, étant donné qu’elles se seraient appuyées sur ce document pour démontrer que les producteurs japonais ne considéraient pas qu’elles étaient partie à l’accord sur le « territoire national ».

151    La Commission s’oppose à cette argumentation.

2)      Appréciation de la Cour

152    Il convient de relever, premièrement, que, pour ce qui est de leur argument visant la conclusion du Tribunal, au point 158 de l’arrêt attaqué, aux termes de laquelle, étant donné que l’accord sur le « territoire national » portait non pas sur l’attribution de projets, mais sur une abstention de faire, la mise en œuvre du principe du respect du « territoire national » n’aurait pas nécessité de discussions particulières, en dehors des éventuels cas de violation de ce principe, selon lequel cette conclusion dénaturerait la décision litigieuse et les éléments de preuve sur lesquels cette décision repose, les requérantes n’ont pas précisé les parties de la décision litigieuse et les éléments de preuve qui auraient été dénaturés.

153    Deuxièmement, il y a, d’emblée, lieu de relever qu’il ne ressort pas du point 159 de l’arrêt attaqué, contrairement à ce que les requérantes font valoir, que le Tribunal n’a pas remis en cause leur argument selon lequel les grands producteurs européens ne seraient jamais parvenus à un accord sur le « territoire national » avec les producteurs sud-coréens et que les grands producteurs européens les auraient systématiquement exclus de leurs communications avec les producteurs sud-coréens concernant l’attribution de projets à réaliser dans l’EEE.

154    En outre, contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Tribunal n’a pas considéré que l’absence d’un producteur du marché de l’État dans lequel un autre producteur est établi et l’absence de ce dernier producteur du marché de l’État dans lequel le premier producteur est établi laissent, en tant que telles, présumer une répartition des marchés entre ces deux entreprises.

155    En effet, il ressort du point 159 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a pris en compte le fait que les requérantes avaient appris, lors d’une des réunions R auxquelles elles ont participé, que la raison du différend opposant Prysmian aux producteurs sud-coréens résidait dans le fait que Prysmian était entrée sur le marché sud-coréen et que les producteurs sud-coréens « étaient ensuite, en réaction, entrés sur le marché européen ».

156    Or, si l’entrée des producteurs sud-coréens sur le marché européenconstituait la réaction de ceux-ci à l’initiative de Prysmian, force est de constater qu’elle ne correspondait pas au processus normal de concurrence, contrairement à ce que les requérantes font valoir. En effet, et comme le Tribunal l’a relevé à juste titre, au point 159 de l’arrêt attaqué, il peut en être déduit que, avant cette initiative, les producteurs sud-coréens s’étaient abstenus d’entrer sur le marché européen et que, de la même façon, Prysmian et, apparemment, les autres producteurs européens s’étaient abstenus d’entrer sur le marché sud-coréen, ce qui pouvait laisser légitimement penser qu’il existait un accord prévoyant le respect du « territoire national », sans qu’il soit pertinent de savoir à quel point précis les événements dont les requérantes ont ainsi pris connaissance ont eu lieu.

157    Troisièmement, il convient de relever que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, dans la première partie du point 162 de l’arrêt attaqué, que la thèse des requérantes selon laquelle la raison de l’absence des entreprises japonaises sur le marché européen et de leur propre absence sur le marché d’Asie du Nord était l’existence de barrières à l’entrée de ces marchés n’est pas cohérente avec leur affirmation selon laquelle les petits producteurs étaient en mesure de concurrencer les grands producteurs.

158    Dans ces circonstances, le Tribunal était en droit de conclure que la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant, dans la décision litigieuse, que les requérantes savaient ou, à tout le moins, auraient dû avoir connaissance de l’accord sur le « territoire national », sans qu’il soit nécessaire d’examiner si le Tribunal pouvait fonder cette conclusion également sur les considérations figurant aux points 160 à 161 et dans la deuxième partie du point 162 de l’arrêt attaqué.

159    Il s’ensuit que la deuxième sous-branche de la deuxième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

c)      Sur la troisième sous-branche

1)      Argumentation des parties

160    Par la troisième sous-branche, les requérantes s’opposent à la conclusion du Tribunal, au point 169 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, pour leur imputer la responsabilité de la participation à l’infraction en cause, la Commission n’était pas tenue de prouver que soit elles avaient directement participé à la pratique consistant à refuser collectivement de fournir des accessoires et une assistance technique à des concurrents ne participant pas à l’entente en vue d’empêcher l’entrée desdits concurrents sur le marché de l’EEE, soit elles en avaient eu connaissance ou auraient dû en avoir connaissance.

161    Selon les requérantes, cette conclusion est erronée pour deux raisons. Premièrement, en qualifiant cet élément de l’infraction en cause de « caractéristique non essentielle de l’infraction en cause », le Tribunal aurait substitué son propre raisonnement à celui de la Commission. Deuxièmement, le fait de conclure que la Commission n’est pas tenue de prouver la participation des requérantes à cette pratique, ou qu’elles en avaient connaissance, serait contraire à l’article 101 TFUE, à la présomption d’innocence et au principe de la responsabilité personnelle.

162    La Commission fait valoir que la conclusion du Tribunal contestée par les requérantes n’est viciée par aucune erreur. En tout état de cause, les requérantes auraient su ou auraient dû savoir que l’entente serait mise en œuvre par différentes pratiques, telles que celle de refuser de fournir des accessoires et une assistance technique aux concurrents ne participant pas à l’entente.

163    En outre, étant donné que cette dernière pratique n’était qu’un moyen de mise en œuvre de l’entente, la question de savoir si les requérantes participaient ou non à cet aspect de l’entente n’affecterait pas la gravité de leur infraction. Il conviendrait, à cet égard, de prendre en compte le fait que les requérantes ont été considérées comme appartenant aux acteurs marginaux de l’entente et qu’une réduction de 10 % du montant de leur amende leur a été accordée pour leur participation substantiellement limitée à l’infraction en cause, notamment pour tenir compte de leur non-participation à ladite pratique.

2)      Appréciation de la Cour

164    Il convient de rappeler, ainsi que le Tribunal l’a relevé, au point 164 de l’arrêt attaqué, que la Commission a reconnu que les requérantes n’avaient pas participé à la pratique consistant à refuser de fournir des accessoires et une assistance technique à des concurrents ne participant pas à l’entente. Il s’ensuit que, pour leur imputer la responsabilité d’une telle pratique, la Commission était tenue de prouver, selon la jurisprudence citée au point 138 du présent arrêt, que les requérantes en avaient eu connaissance ou auraient pu raisonnablement la prévoir. Par conséquent, le Tribunal était obligé, dès lors que les requérantes contestaient leur responsabilité pour cet aspect de l’infraction en cause, de vérifier si la Commission s’était acquittée de la charge de la preuve qui lui incombait à cet égard.

165    Or, force est de constater que le Tribunal n’a pas procédé à un tel examen. Au contraire, le Tribunal a explicitement considéré que la Commission n’était pas obligée de prouver que les requérantes avaient eu connaissance du refus collectif de fournir des accessoires et une assistance technique à des concurrents ne participant pas à l’entente ou qu’elles auraient pu raisonnablement le prévoir, au motif qu’une telle pratique n’aurait constitué qu’une caractéristique non essentielle de l’infraction en cause.

166    Une telle interprétation n’est pas conforme à la jurisprudence citée au point 138 du présent arrêt, selon laquelle, pour être tenue pour responsable d’un comportement d’un autre participant dans le cadre d’une infraction unique et continue, il est nécessaire qu’une entreprise en ait eu connaissance ou aurait pu raisonnablement le prévoir. Cette jurisprudence ne distingue pas les pratiques « essentielles » de celles qui ne le sont pas.

167    À cet égard, et comme les requérantes l’ont relevé à juste titre, la pratique en cause figure parmi ce que la Commission a considéré, au considérant 643 de la décision litigieuse, comme étant les « activités principales » de l’entente. La considération additionnelle du Tribunal, figurant également au point 168 de l’arrêt attaqué, selon laquelle des pratiques telles que le refus collectif de fournir des accessoires et une assistance technique à des concurrents ne participant pas à l’entente auraient concerné des ventes de produits ou de services qui n’étaient pas compris dans la catégorie de produits ou de services faisant l’objet de l’infraction en cause, est donc également entachée d’une erreur de droit.

168    Contrairement à ce que la Commission a fait valoir lors de l’audience, cette conclusion n’est pas contredite par l’arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission (C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774). Il y a lieu de relever à cet égard que les points 84 et 86 de cet arrêt, auxquels la Commission a fait référence, doivent être lus en combinaison avec le point 83 dudit arrêt, dans lequel la Cour a rappelé, notamment, qu’une entreprise ne peut être tenue comme étant responsable des comportements d’autres entreprises s’insérant dans le cadre d’une infraction unique et complexe que si elle en avait eu connaissance ou pouvait raisonnablement les prévoir.

169    Il s’ensuit que, en considérant que la Commission pouvait retenir la responsabilité des requérantes pour le refus collectif de fournir des accessoires et une assistance technique à des concurrents ne participant pas à l’entente, sans avoir démontré qu’elles en avaient eu connaissance ou auraient pu raisonnablement le prévoir, le Tribunal a commis une erreur de droit.

170    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la Commission selon lequel la réduction de 10 % du montant de l’amende accordée aux requérantes en tant qu’acteurs marginaux de l’entente aurait été destinée à tenir compte de la non-participation de celles-ci à la pratique en cause. D’une part, et ainsi que cela a été expliqué au point 164 du présent arrêt, il s’agit, en l’espèce, de savoir non pas si les requérantes ont participé à cette pratique, mais si elles en avaient connaissance ou pouvaient raisonnablement la prévoir. D’autre part, il convient de relever que l’argument de la Commission vise les sanctions à imposer à une entreprise du fait de sa responsabilité pour une infraction unique et continue, et non la question préalable de savoir dans quelle mesure cette entreprise peut être tenue pour responsable de cette infraction.

171    Il s’ensuit qu’il y a lieu de conclure que la troisième sous-branche de la deuxième branche du deuxième moyen est fondée.

d)      Sur la quatrième sous-branche

1)      Argumentation des parties

172    Par la quatrième sous-branche, les requérantes s’opposent à la conclusion du Tribunal, au point 174 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission n’a pas commis d’erreur en estimant qu’elles avaient eu connaissance ou, pour le moins, devaient avoir eu connaissance de l’existence d’accords sur les prix ainsi que de l’existence d’offres de couverture.

173    Les requérantes font valoir que, à cet égard, le Tribunal a substitué son propre raisonnement à celui de la Commission, figurant au considérant 617 de la décision litigieuse. Le raisonnement du Tribunal serait, en outre, entaché de plusieurs erreurs.

174    La Commission s’oppose à cette argumentation.

2)      Appréciation de la Cour

175    Il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE portant sur des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE, les juridictions de l’Union ne peuvent, en toute hypothèse, substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte en cause (arrêt du 25 juillet 2018, Orange Polska/Commission, C‑123/16 P, EU:C:2018:590, point 105 et jurisprudence citée).

176    Au considérant 617 de la décision litigieuse, la Commission s’est appuyée sur trois considérations pour établir sa thèse selon laquelle les requérantes avaient connaissance des pratiques mises en œuvre par d’autres participants à l’entente ou pouvaient raisonnablement les prévoir, dont seulement la première, à savoir la considération selon laquelle les requérantes avaient été présentes à treize réunions R et qu’il serait peu plausible de considérer qu’elles n’avaient pas pris connaissance, à cette occasion, des activités plus larges des autres participants à l’entente, pourrait être pertinente en l’espèce, étant donné que l’une des deux autres considérations concernait les « territoires d’exportation » et l’autre la question de savoir si l’infraction en cause s’étendait aux projets portant sur des câbles électriques sous-marins.

177    Il s’ensuit que le Tribunal ne pouvait pas, sans substituer sa propre motivation à celle de la Commission, fonder la conclusion à laquelle il est arrivé, au point 174 de l’arrêt attaqué, sur les considérations figurant aux points 172 et 173 de cet arrêt, étant donné que ces considérations ne figurent pas au nombre de celles sur lesquelles la Commission s’est appuyée dans la décision litigieuse.

178    Il convient, toutefois, de rappeler que, dans cette décision, la Commission s’est fondée sur le fait que les requérantes avaient pris part à treize réunions R pour établir sa conclusion selon laquelle ces dernières avaient connaissance de la pratique en cause ou pouvaient raisonnablement la prévoir. Eu égard à cette référence implicite aux éléments de preuve concernant ces réunions, il était donc, en principe, loisible pour le Tribunal de se fonder, au point 171 de l’arrêt attaqué, sur les notes de l’une de ces réunions, à savoir la réunion R du 10 février 2004, dont le contenu figure au considérant 296 de la décision litigieuse, pour arriver à la conclusion que les requérantes avaient connaissance ou, pour le moins, devaient avoir connaissance de l’existence d’accords sur les prix ainsi que de l’existence d’offres de couverture.

179    S’il est vrai que, selon le point 202 de l’arrêt attaqué, la discussion concernant l’un des projets visés par les notes de cette réunion portait sur un prix « vraisemblablement » trop bas soumis par Nexans France, il ressort de ce point que le terme « vraisemblablement » fait référence au niveau de ce prix et que son utilisation ne signifie pas que le Tribunal soit revenu sur sa conclusion selon laquelle ces notes démontraient l’existence d’accords sur les prix et d’offres de couverture.

180    La conclusion du Tribunal, au point 174 de l’arrêt attaqué, n’est pas remise en cause par le fait que le Tribunal s’est appuyé sur un seul document. Certes, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour établir l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves sérieuses, précises et concordantes. Toutefois, chacune des preuves apportées par cette dernière ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqués par ladite institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (arrêt du 26 janvier 2017, Commission/Keramag Keramische Werke e.a., C‑613/13 P, EU:C:2017:49, point 52).

181    En l’espèce, il incombait à la Commission d’établir que les requérantes avaient eu connaissance de l’existence d’accords sur les prix et d’offres de couverture ou auraient pu raisonnablement la prévoir. Or, comme le Tribunal l’a relevé à juste titre, en substance, au point 171 de l’arrêt attaqué, le contenu des notes de la réunion R du 10 février 2004 suffisait pour considérer que cette preuve avait été rapportée.

182    Ladite conclusion du Tribunal n’est pas non plus remise en cause par l’argument soulevé par les requérantes dans leur mémoire en réplique, selon lequel leur argumentation relative au point 171 de l’arrêt attaqué ferait partie d’une argumentation plus large visant la dénaturation des moyens formulés par les requérantes et des éléments de preuve, la violation de leurs droits de la défense, l’absence de motivation adéquate ainsi que le défaut de prise en compte de leurs principaux arguments, l’utilisation illégale d’une présomption contredite par les preuves, la décision litigieuse et l’arrêt attaqué lui-même, ainsi que le non-respect du niveau de preuve exigé.

183    En effet, d’une part, les requérantes n’ont pas établi que l’appréciation faite par le Tribunal des notes de la réunion R du 10 février 2004 aurait constitué une dénaturation de l’élément de preuve résultant de ces notes. D’autre part, les arguments supplémentaires soulevés à l’égard de cette appréciation dans le mémoire en réplique, excepté le fait qu’ils ne sont aucunement étayés, doivent être considérés comme étant irrecevables, étant donné que, selon l’article 127, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 190, paragraphe 1, de ce règlement, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne soient fondés sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés au cours de la procédure.

184    Il ne ressort toutefois pas de la présente procédure que l’argumentation présentée par les requérantes à cet égard, dans leur mémoire en réplique, soit fondée sur des éléments de droit ou de fait dont ces dernières ne disposaient pas à la date d’introduction de leur pourvoi.

185    Il s’ensuit que la quatrième sous-branche de la deuxième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

e)      Sur la cinquième sous-branche

1)      Argumentation des parties

186    Par la cinquième sous-branche, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant, au point 178 de l’arrêt attaqué, leur argument selon lequel elles n’avaient pas connaissance du fait que l’entente visait des projets portant sur des câbles électriques souterrains d’une tension de 110 kV.

187    Selon les requérantes, le point 175 de l’arrêt attaqué dénature leur argumentation en première instance en affirmant que celle-ci concernait des projets portant sur des câbles électriques souterrains d’une tension « égale ou supérieure à 110 kV », tandis qu’elle n’aurait visé que les projets portant sur des câbles électriques souterrains d’une tension de 110 kV. Dans la décision litigieuse, la Commission aurait considéré, sur la seule base de cinq contacts portant sur de tels projets, que cette catégorie particulière de projets était couverte par l’infraction en cause.

188    En outre, la conclusion du Tribunal, au point 177 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission n’était pas tenue de démontrer que les requérantes savaient ou auraient dû savoir que l’entente s’appliquait également à ce type de câbles électriques violerait l’article 101 TFUE ainsi que les principes de la présomption d’innocence et de responsabilité personnelle.

189    La Commission conteste cette argumentation.

2)      Appréciation de la Cour

190    Il y a lieu de constater, en premier lieu, et comme les requérantes l’ont relevé à juste titre, que, au point 175 de l’arrêt attaqué, dans sa version en langue anglaise faisant foi, le Tribunal a considéré, de manière erronée, que l’argumentation des requérantes visait non pas les projets portant sur des câbles électriques souterrains d’une tension de 110 kV, mais les projets portant sur de tels câbles d’une tension « égale ou supérieure à 110 kV ».

191    Il convient, toutefois, de relever que le point 175 de l’arrêt attaqué se limite à décrire l’argument des requérantes et que les considérations du Tribunal concernant cet argument figurent aux points 176 et 177 de cet arrêt. Or, ces considérations font référence à des projets portant sur des câbles électriques souterrains d’une tension de 110 kV, l’indication d’une tension de « 100 kV » au point 176 de l’arrêt attaqué, dans sa version en langue anglaise faisant foi, constituant, à l’évidence, une erreur de plume. Dans ces circonstances, il convient de conclure que les requérantes n’ont pas démontré que l’erreur commise par le Tribunal, au point 175 de l’arrêt attaqué, était de nature à remettre en cause les conclusions auxquelles ce dernier est arrivé aux points 176 et 177 de cet arrêt.

192    En second lieu, il convient de relever, premièrement, que, dans la mesure où les requérantes cherchent à remettre en cause la conclusion du Tribunal, au point 176 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’infraction en cause couvrait des projets portant sur des câbles électriques souterrains d’une tension de 110 kV, leur argumentation doit être rejetée comme étant irrecevable, eu égard à la jurisprudence citée au point 76 du présent arrêt, étant donné que les requérantes demandent, en substance, à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation des éléments de preuve pris en compte par le Tribunal, sans établir une dénaturation de ces éléments de preuve par ce dernier.

193    Deuxièmement, il convient de relever, d’une part, que les requérantes ne contestent pas que l’infraction en cause couvrait des projets portant sur des câbles électriques souterrains d’une tension supérieure à 110 kV ni qu’elles avaient eu connaissance de ce fait ou qu’elles avaient pu raisonnablement le prévoir. D’autre part, les requérantes n’ont soulevé aucun argument suggérant que, dans le contexte de l’entente, les projets portant sur des câbles électriques souterrains d’une tension de 110 kV se distinguaient des projets portant sur des câbles électriques souterrains d’une tension supérieure à 110 kV.

194    Dans ces circonstances, le Tribunal était en droit de considérer, sans violer l’article 101 TFUE ou les principes de la présomption d’innocence et de responsabilité personnelle, que la Commission n’était pas tenue de démontrer que les requérantes savaient que l’entente s’appliquait également à ce type de câbles électriques.

195    Il s’ensuit que la cinquième sous-branche de la deuxième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

196    Il s’ensuit que la troisième sous-branche de la deuxième branche du deuxième moyen doit être accueillie et que cette branche doit être rejetée pour le surplus.

3.      Sur la troisième branche du deuxième moyen

197    Par la troisième branche du deuxième moyen, qui est divisé en trois sous-branches, les requérantes contestent le rejet, par le Tribunal, des troisième à cinquième branches de leur troisième moyen soulevé en première instance. Par la troisième branche de ce troisième moyen, elles ont fait valoir qu’il n’existait pas de configuration européenne de l’entente ni de preuves qu’elles se seraient vu attribuer, dans le cadre de cette configuration, des territoires ou des clients spécifiques. Par la quatrième branche du même moyen, elles ont soutenu que la Commission n’avait pas démontré leur participation à l’attribution et à l’échange d’informations concernant des projets portant sur des câbles électriques souterrains à haute tension à réaliser au sein de l’EEE du 3 juillet 2002 au 17 février 2006. Par la cinquième branche dudit moyen, elles ont contesté avoir été impliquées dans le contrôle de la mise en œuvre des accords sur les prix et l’attribution ou en avoir eu connaissance.

a)      Sur la première sous-branche

1)      Argumentation des parties

198    Dans le cadre de la première sous-branche, qui vise les points 179 à 188 de l’arrêt attaqué, les requérantes font valoir que, premièrement, il est erroné de distinguer entre une configuration A/R et une configuration européenne de l’entente, étant donné qu’une telle approche élève le degré de culpabilité des petits producteurs européens en dépit du fait qu’ils ne faisaient pas partie du groupe central de l’entente.

199    La conclusion du Tribunal, au point 180 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, si les producteurs japonais avaient fourni des offres de couverture pour protéger la configuration européenne de l’entente, ils n’auraient pas pris part à l’attribution des projets entre les producteurs européens serait entachée d’une erreur de droit.

200    Comme la Cour l’aurait jugé dans l’arrêt du 6 juillet 2017, Toshiba/Commission (C‑180/16 P, EU:C:2017:520, point 81), au sujet d’une infraction unique et continue de structure similaire, la participation des entreprises asiatiques à ces activités constituait leur contribution à l’infraction et cette contribution était comparable à celle des entreprises européennes. Par conséquent, leur comportement ne serait pas moins grave que celui des producteurs européens.

201    Deuxièmement, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en concluant, au point 184 de l’arrêt attaqué, que, à la supposer fondée, l’allégation des requérantes relative à l’absence de preuve d’attribution de territoires dans le cadre de la configuration européenne de l’entente serait inopérante.

202    D’une part, le Tribunal aurait lui-même reconnu que, s’il est effectivement fait référence, au considérant 493, sous b), de la décision litigieuse, à l’attribution de territoires et de clients au sein de l’EEE, les très nombreux exemples auxquels renvoie ce considérant concernent en fait l’attribution de projets individuels à réaliser dans l’EEE aux différents membres R de l’entente.

203    D’autre part, le Tribunal aurait considéré que l’attribution de ces projets avait généralement lieu sur une base territoriale, bien que la décision litigieuse ne comporterait aucune allégation en ce sens. Le Tribunal aurait donc commis une erreur de droit en substituant son propre raisonnement à celui de la décision litigieuse. En outre, il aurait enfreint leurs droits de la défense, dans la mesure où elles n’auraient jamais eu l’opportunité de se défendre contre cette allégation.

204    Troisièmement, le courriel du 6 juillet 2005, que le Tribunal a examiné au point 186 de l’arrêt attaqué, n’indiquerait aucun endroit précis et ne répondrait pas à la question de savoir si l’« endroit vraiment très froid » auquel il fait référence avait été attribué aux requérantes. En outre, en ne tenant pas compte des preuves fournies par elles sur ce point, le Tribunal aurait omis de motiver à suffisance la conclusion à laquelle il est arrivé à cet égard.

205    Quatrièmement, le Tribunal n’aurait pas répondu à leur argument selon lequel il n’avait pas été établi que l’entente comportait une attribution de clients.

206    La Commission s’oppose à cette argumentation.

2)      Appréciation de la Cour

207    En ce qui concerne, en premier lieu, les arguments des requérantes visant la configuration européenne de l’entente, il convient de relever, premièrement, que ces dernières n’ont pas démontré que le Tribunal avait commis une erreur de droit en distinguant entre cette configuration et la configuration A/R de l’entente.

208    Deuxièmement, il y a lieu de constater que l’argument des requérantes selon lequel le comportement des producteurs asiatiques en relation avec la configuration européenne de l’entente ne serait pas moins grave que celui des producteurs européens n’est pas susceptible de remettre en cause la responsabilité des requérantes pour cet aspect de l’infraction en cause. Il s’ensuit que cet argument doit être rejeté comme étant inopérant.

209    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel il n’y avait pas de preuves permettant de démontrer qu’elles se seraient vu attribuer, dans le cadre de la configuration européenne de l’entente, des territoires ou des clients spécifiques, il convient de relever que le Tribunal s’est fondé, en substance, sur deux considérations pour le rejeter. D’une part, il a considéré que, bien qu’il soit fait référence, au considérant 493, sous b), de la décision litigieuse, à l’attribution de territoires et de clients au sein de l’EEE, les exemples auxquels renvoie ce considérant concernent en fait l’attribution de projets individuels. D’autre part, il existerait une preuve, à savoir un courriel du 6 juillet 2005 échangé entre deux autres entreprises ayant participé à l’infraction en cause, qui suggérerait qu’un certain territoire avait été attribué aux requérantes.

210    Il convient de relever d’emblée que, à l’audience, et en réponse à une question de la Cour sur ce point, la Commission a précisé que ce qui est reproché aux requérantes et aux autres entreprises ayant participé à la configuration européenne de l’entente est d’avoir procédé à l’attribution de projets individuels, et non à l’attribution de territoires ou de clients.

211    Certes, au considérant 493, sous b), de la décision litigieuse, la Commission a indiqué que la configuration européenne comportait une attribution de territoires et de clients au sein de l’EEE tandis que, au même considérant, sous c), elle a fait référence à l’attribution de projets dans les « territoires d’exportation ». Contrairement à ce que la Commission a fait valoir, en substance, lors de l’audience, il ne s’agit pas d’une formule qui n’aurait été utilisée qu’à cet endroit de la décision litigieuse, étant donné qu’elle figure également dans la description de la configuration européenne de l’entente qui se trouve au considérant 73, sous b), de cette décision.

212    Il y a lieu, toutefois, de relever que, ainsi que le Tribunal l’a rappelé, au point 181 de l’arrêt attaqué, les nombreux exemples auxquels renvoie le considérant 493, sous b), de la décision litigieuse concernent en fait l’attribution de projets individuels à réaliser dans l’EEE aux différents membres R de l’entente, ce que les requérantes n’ont pas contesté. Partant, il ressort de la description figurant audit considérant 73, sous b), que le comportement reproché aux requérantes était qu’elles avaient participé à l’attribution de projets dans le cadre de la configuration européenne de l’entente. Le manque de précision dont est entaché le considérant 493, sous b), de la décision litigieuse à cet égard, aussi regrettable soit-il, n’a pas non plus affecté les droits de la défense des requérantes.

213    Il s’ensuit que la première sous-branche de la troisième branche du deuxième moyen doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les arguments des requérantes visant le point 186 de l’arrêt attaqué.

b)      Sur la deuxième sous-branche

1)      Argumentation des parties

214    Par cette sous-branche, qui vise les points 189 à 253 de l’arrêt attaqué, les requérantes contestent, en premier lieu, s’agissant de la période antérieure au 10 février 2004, le rejet, par le Tribunal, au point 196 de l’arrêt attaqué, de leur argument selon lequel la Commission a, à tort, estimé qu’elles avaient participé à l’attribution de projets portant sur des câbles électriques souterrains dans l’EEE et à l’échange d’informations portant sur de tels projets. Elles maintiennent qu’elles ont seulement pris part à l’accord sur les « territoires d’exportation » relatif aux projets portant sur des câbles électriques souterrains.

215    Selon les requérantes, le premier des trois éléments de preuve sur lesquels le Tribunal s’est fondé à cet égard, à savoir un courriel de Nexans du mois de septembre 2002, ne serait pas en contradiction avec la position qu’elles défendent. La conclusion inverse du Tribunal, au point 191 de l’arrêt attaqué, serait entachée d’une erreur de droit en ce qu’elle témoignerait d’une mauvaise compréhension ou d’une dénaturation de leurs arguments et ne serait étayée par aucune analyse raisonnée.

216    En ce qui concerne le deuxième élément de preuve, à savoir un échange de courriels du 22 novembre 2002, examiné au point 192 de l’arrêt attaqué, les requérantes soutiennent que, en ne répondant pas à l’explication qu’elles ont fournie, le Tribunal a manqué à son obligation de motivation. En outre, retenir la responsabilité des requérantes sur la base de la perception d’une autre entreprise constituerait une infraction au principe de la présomption d’innocence.

217    S’agissant du troisième élément de preuve, à savoir les notes de la réunion R du 23 avril 2003, examinées au point 195 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en dénaturant et/ou en passant outre les éléments de preuve et les moyens invoqués par les requérantes et en ne répondant pas à leurs principaux arguments.

218    Selon la Commission, les requérantes contestent essentiellement l’interprétation faite par le Tribunal des trois éléments de preuve précités, ce qui constituerait une demande irrecevable d’une nouvelle appréciation des faits. S’agissant du premier de ces éléments, la référence faite par le Tribunal aux « territoires d’exportation » devrait être lue à l’aune du point 161 de l’arrêt attaqué, dont il ressort qu’il serait difficile d’imaginer un accord sur ces territoires sans un accord équivalent sur les « territoires nationaux ».

219    En tout état de cause, le premier argument des requérantes serait inopérant dans la mesure où les conclusions du Tribunal seraient suffisamment étayées par d’autres éléments de preuve. En ce qui concerne le deuxième élément de preuve, visé au point 192 de l’arrêt attaqué, les requérantes n’auraient pas précisé quelles sont les erreurs d’appréciation qui auraient entraîné une dénaturation des éléments de preuve par le Tribunal. Quant au troisième élément de preuve, les requérantes n’auraient démontré aucune dénaturation.

220    S’agissant, en second lieu, de leur participation à l’infraction en cause pendant la période comprise entre le 10 février 2004 et le 17 février 2006, les requérantes font valoir, premièrement, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 218 de l’arrêt attaqué, qu’elles avaient prétendu que les discussions avec les autres producteurs étaient limitées à des informations publiques sur l’existence d’appels d’offres et la situation sur le marché en général.

221    Les requérantes reconnaissent avoir participé à une infraction à l’article 101 TFUE, mais soutiennent que cette infraction était limitée à la notification et à la discussion de projets portant sur des câbles électriques souterrains dans l’EEE sans que les parties aient procédé à leur attribution formelle, ainsi que cela est décrit au considérant 648 de la décision litigieuse, bien que les producteurs aient manifesté leur intérêt, et le niveau de cet intérêt, pour ces projets.

222    Dans la mesure où le Tribunal qualifie cette pratique d’« attribution », les requérantes reconnaissent qu’elle a pu s’en rapprocher, au sens large, pour certains projets. Les attributions formelles auraient, toutefois, toujours eu lieu lors de réunions séparées et auraient fait l’objet de communications distinctes desquelles les requérantes étaient exclues ou dont elles n’avaient pas eu connaissance.

223    Deuxièmement, les requérantes indiquent qu’elles acceptent les conclusions générales du Tribunal, énoncées aux points 197 à 253 de l’arrêt attaqué, y compris, notamment, celles figurant aux points 207 et 252 de cet arrêt, mais qu’elles estiment que certaines constatations visant des incidents spécifiques, à savoir une des conclusions auxquelles le Tribunal est arrivé, au point 207 de cet arrêt, ainsi que les conclusions visées aux points 209, 218, 221 et 246 du même arrêt, sont constitutives d’erreurs de droit.

224    En ce qui concerne le point 207 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait dénaturé les éléments de preuve en considérant que le courriel du 26 février 2004 auquel le Tribunal a fait référence ne démontrait pas qu’elles n’avaient pas été invitées à la réunion R du 3 mars 2004. Au point 209 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait dénaturé les éléments de preuve en considérant qu’il ressortait des notes d’une réunion ayant eu lieu le 1er mars 2004 que Nexans avait accepté de faire bénéficier les requérantes d’une coordination avec ABB visant un projet spécifique.

225    La conclusion du Tribunal, au point 221 de l’arrêt attaqué, selon laquelle elles ont implicitement admis que les projets mentionnés dans les notes de la réunion R du 10 décembre 2004 avaient effectivement fait l’objet d’une attribution dénaturerait leur argumentation. Enfin, les conclusions du Tribunal, au point 246 de l’arrêt attaqué, seraient fondées sur une représentation erronée de leur position présentée au point 218 de cet arrêt.

226    La Commission fait valoir que, étant donné que les requérantes ont déclaré adhérer à la plupart des conclusions générales dégagées aux points 197 à 253 de l’arrêt attaqué, leurs critiques formulées à l’égard de certaines conclusions détaillées doivent être rejetées comme étant inopérantes dans la mesure où une erreur commise par le Tribunal dans ces dernières conclusions ne saurait invalider sa conclusion générale confirmant à cet égard l’appréciation effectuée par la Commission dans la décision litigieuse. En tout état de cause, les passages spécifiques de l’arrêt attaqué, critiqués par les requérantes, ne seraient entachés d’aucune erreur de droit.

2)      Appréciation de la Cour

227    S’agissant des arguments des requérantes visant à contester la conclusion du Tribunal selon laquelle la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant qu’elles avaient participé à l’attribution de projets portant sur des câbles électriques souterrains dans l’EEE et à l’échange d’informations portant sur de tels projets, il convient de rappeler que, dans la décision litigieuse, les requérantes ont été tenues pour responsables d’une telle infraction pour la période allant du 3 juillet 2002 au 17 février 2006.

228    Il convient, en outre, de relever que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné les arguments des requérantes en distinguant trois périodes, à savoir la période allant du 3 juillet 2002 au 10 février 2004, visée aux points 189 à 196 de l’arrêt attaqué, la période allant du 10 février 2004 au 10 décembre 2004, visée aux points 197 à 216 de cet arrêt, et enfin la période allant du 10 décembre 2004 au 17 février 2006, visée aux points 217 à 252 dudit arrêt.

229    S’agissant, en premier lieu, de la période allant du 3 juillet 2002 au 10 février 2004, il convient de rappeler que le Tribunal s’est appuyé sur trois éléments de preuve, constitués de documents ou de séries de documents, pour conclure que la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant que les requérantes avaient participé à l’attribution de projets portant sur des câbles électriques souterrains dans l’EEE et à l’échange d’informations portant sur de tels projets, à savoir un courrier électronique du mois de septembre 2002, un échange de courriers électroniques du 22 novembre 2002 et les notes de la réunion R du 23 avril 2003.

230    En ce qui concerne le deuxième desdits éléments de preuve, il y a lieu de relever que, sous le couvert d’une violation de l’obligation de motivation et du principe de la présomption d’innocence, les requérantes visent, en réalité, à remettre en cause l’appréciation de cet élément de preuve par le Tribunal, sans alléguer ou démontrer une dénaturation dudit élément de preuve.

231    En ce qui concerne le troisième élément de preuve pris en compte par le Tribunal, il y a lieu de relever que, bien que les requérantes allèguent une dénaturation de cet élément de preuve par ce dernier, elles restent en défaut d’établir une telle dénaturation, dans la mesure où, comme le Tribunal l’a observé à juste titre, au point 195 de l’arrêt attaqué, la deuxième page du document en cause indique, contrairement à ce que les requérantes font valoir, que le projet auquel il fait référence a été attribué le 25 avril 2003.

232    À la lumière de la jurisprudence citée au point 76 du présent arrêt, les arguments des requérantes visant les deuxième et troisième éléments de preuve doivent donc être rejetés comme étant irrecevables.

233    Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas établi que le Tribunal avait commis une erreur de droit en concluant que la Commission était en droit de considérer qu’elles avaient participé à l’attribution de projets portant sur des câbles électriques souterrains dans l’EEE et à l’échange d’informations portant sur de tels projets au cours de la période allant du 22 novembre 2002 au 10 février 2004.

234    S’agissant du premier élément de preuve sur lequel le Tribunal s’est appuyé, à savoir le courrier électronique envoyé par Nexans au mois de septembre 2002, il ressort du point 191 de l’arrêt attaqué que, de l’avis du Tribunal lui-même, il concernait la répartition des projets dans les « territoires d’exportation ». Or, contrairement à ce que le Tribunal a considéré, à ce point de l’arrêt attaqué, il est évident que cet élément de preuve n’établit pas que les requérantes avaient participé, au cours de la période antérieure au 22 novembre 2002, à l’attribution de projets portant sur des câbles électriques souterrains dans l’EEE.

235    Dès lors, le Tribunal ne pouvait pas, sur la seule base de ce document, sans violer la présomption d’innocence, considérer que la Commission avait établi que les requérantes avaient participé à une telle infraction au cours de la période antérieure au 22 novembre 2002.

236    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la Commission selon lequel le point 191 de l’arrêt attaqué devrait être lu à la lumière du point 161 de cet arrêt, dont il ressort qu’il serait difficile d’imaginer un accord sur les « territoires d’exportation » sans un accord analogue sur les « territoires nationaux ».

237    Il suffit de relever à cet égard que, par le constat fait au point 161 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas exclu qu’un accord sur les « territoires d’exportation » puisse exister sans un accord analogue sur les « territoires nationaux ». Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, eu égard à la présomption d’innocence qui s’applique aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence susceptibles d’aboutir à l’infliction d’amendes ou d’astreintes, le doute doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2017, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, C‑90/15 P, non publié, EU:C:2017:123, point 18 ainsi que jurisprudence citée).

238    Il s’ensuit que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant, sur la seule base du courrier électronique envoyé par Nexans au mois de septembre 2002, que la Commission était en droit de considérer que les requérantes avaient, au cours de la période allant du 3 juillet 2002 au 21 novembre 2002, participé à l’attribution de projets portant sur des câbles électriques souterrains dans l’EEE.

239    S’agissant, en deuxième lieu, de la période allant du 10 février 2004 au 10 décembre 2004, il convient de rappeler que les requérantes ont indiqué qu’elles adhéraient aux conclusions générales du Tribunal dégagées aux points 197 à 253 de l’arrêt attaqué, y compris celles figurant aux points 197 à 216 qui visent cette période. Cependant, elles estiment que certaines constatations visant des incidents spécifiques, à savoir une des conclusions auxquelles le Tribunal est arrivé, au point 207 de cet arrêt, et la conclusion visée au point 209 dudit arrêt, sont constitutives d’erreurs de droit. Or, dans ces circonstances, l’argumentation des requérantes doit être considérée comme étant inopérante, dès lors qu’elle n’est pas susceptible de remettre en cause la conclusion générale à laquelle le Tribunal est arrivé, en substance, au point 216 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les requérantes ont participé à l’attribution de projets portant sur des câbles électriques souterrains dans l’EEE et à l’échange d’informations portant sur de tels projets du 10 février 2004 au 10 décembre 2004.

240    En tout état de cause, il convient de relever que les requérantes n’ont pas établi que, aux points 207 et 209 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve visés.

241    S’agissant, en troisième lieu, de la période allant du 10 décembre 2004 au 17 février 2006, l’argumentation des requérantes doit également être considérée comme étant inopérante, pour les raisons expliquées au point 239 du présent arrêt. À cet égard, il convient, notamment, de rappeler que les requérantes ne contestent pas la conclusion du Tribunal, au point 252 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il ressort de l’examen des notes relatives aux réunions R organisées entre le 10 décembre 2004 et le 17 février 2006, effectué aux points 220 à 242 de cet arrêt, que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que les requérantes avaient effectivement participé à des réunions lors desquelles des projets portant sur des câbles électriques à réaliser dans l’EEE avaient été attribués.

242    En tout état de cause, même à supposer que le Tribunal ait, aux points 221 et 246 de l’arrêt attaqué, dénaturé leur argumentation, ces erreurs n’auraient pas été de nature à remettre en cause la conclusion générale à laquelle le Tribunal est parvenu à cet égard.

243    Il s’ensuit qu’il y a lieu de conclure que la deuxième sous-branche de la troisième branche du deuxième moyen est partiellement fondée.

c)      Sur la troisième sous-branche

1)      Argumentation des parties

244    Par leur troisième sous-branche, les requérantes contestent le rejet, par le Tribunal, de leur argument selon lequel elles n’ont pas participé au contrôle de la mise en œuvre des accords sur les prix et sur l’attribution des projets en cause et n’en avaient pas connaissance.

245    La conclusion du Tribunal, au point 256 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission n’était pas tenue de démontrer que les requérantes avaient participé aux pratiques consistant en l’échange de feuilles de position et d’informations sur le marché et l’établissement d’obligations de notification mentionnées au considérant 493, sous h), de la décision litigieuse ou en avaient connaissance, étant donné que ces pratiques ne relèvent pas des caractéristiques essentielles de l’infraction en cause, serait erronée pour deux raisons. Premièrement, en qualifiant cet élément de l’infraction en cause de « caractéristique non essentielle », le Tribunal substituerait son propre raisonnement à celui de la Commission. Deuxièmement, conclure que la Commission n’était pas tenue de prouver la participation des requérantes à ces pratiques, ou qu’elles en avaient connaissance, serait contraire à l’article 101 TFUE, à la présomption d’innocence et au principe de la responsabilité personnelle.

246    Le Tribunal aurait également commis une erreur de droit en jugeant, au point 257 de l’arrêt attaqué, que les notes de la réunion R du 10 février 2004 démontraient que les requérantes avaient, ou auraient pu avoir, connaissance desdites pratiques. En outre, en ne tenant pas compte des preuves qu’elles avaient soumises au Tribunal à cet égard, celui-ci aurait manqué à son obligation de motivation.

247    La Commission conteste cette argumentation.

2)      Appréciation de la Cour

248    Il y a lieu de relever que le raisonnement sur lequel le Tribunal s’est fondé pour rejeter l’argumentation des requérantes sur l’absence de leur participation au contrôle de la mise en œuvre des accords sur les prix et sur l’attribution des projets en cause ou de leur connaissance de ces accords s’articule en trois considérations.

249    Premièrement, la Commission aurait considéré à bon droit que les requérantes avaient participé à l’attribution de projets individuels portant sur des câbles électriques à réaliser dans l’EEE et qu’elles avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance des accords sur les prix. Deuxièmement, étant donné que les pratiques en cause ne relèveraient pas des caractéristiques essentielles de l’infraction unique et continue, la Commission n’aurait pas été tenue de démontrer que les requérantes y avaient participé ou en avaient eu connaissance. Troisièmement, il existerait un document impliquant les requérantes dans ces pratiques, à savoir les notes relatives à la réunion R du 10 février 2004, citées au considérant 296 de la décision litigieuse et auxquelles le Tribunal fait référence au point 257 de l’arrêt attaqué.

250    À cet égard, il suffit de relever, d’une part, que les requérantes ne contestent pas avoir participé à la réunion R du 10 février 2004 et que, d’autre part, elles n’ont ni allégué ni établi que, en interprétant les notes de cette réunion comme démontrant qu’elles avaient participé aux pratiques en cause ou en avaient eu connaissance, le Tribunal aurait dénaturé cet élément de preuve.

251    L’argument des requérantes selon lequel le Tribunal aurait manqué à son obligation de motivation, au point 257 de l’arrêt attaqué, ne saurait prospérer, étant donné que les éléments invoqués par les requérantes dont le Tribunal aurait omis de tenir compte visent le considérant 276 de la décision litigieuse et que les requérantes n’ont pas expliqué de quelle manière il pourrait ressortir de ces éléments que le Tribunal avait commis une erreur s’agissant des notes citées au considérant 296 de cette décision, lesquelles ont été examinées par le Tribunal au point 257 de l’arrêt attaqué.

252    Il s’ensuit que la deuxième sous-branche de la troisième branche du deuxième moyen est partiellement fondée et que cette branche doit être rejetée pour le surplus.

C.      Sur le troisième moyen

253    Le troisième moyen, qui vise une violation des droits de la défense des requérantes, est divisé, en substance, en trois branches.

1.      Sur la première branche du troisième moyen

a)      Argumentation des parties

254    Par la première branche de ce moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en affirmant, aux points 45, 53 et 54 de l’arrêt attaqué, que la jurisprudence selon laquelle il n’appartient pas à la seule Commission de déterminer quels documents sont utiles à la défense de l’entreprise concernée ne saurait s’appliquer aux preuves potentiellement à décharge contenues dans les réponses des autres destinataires de la communication des griefs à cette communication et dans la documentation les étayant. Il découlerait de la jurisprudence que des réponses à de simples demandes d’informations peuvent avoir une valeur à décharge. Il devrait donc a fortiori en aller de même des réponses des autres entreprises à la communication des griefs.

255    Par ailleurs, le droit d’accès aux preuves en application du principe général de l’égalité des armes conformément aux articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne devrait au moins avoir le même sens et la même portée que l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme.

256    Or, il ressortirait de cette jurisprudence que les autorités de poursuite doivent communiquer à la défense toutes les preuves pertinentes en leur possession, à charge comme à décharge, et seules sont légitimes les mesures restreignant les droits de la défense qui sont absolument nécessaires pour préserver les droits fondamentaux d’un autre individu ou pour sauvegarder un intérêt public important.

257    En outre, une telle violation du principe de l’égalité des armes ne saurait être réparée du simple fait que l’accès a été rendu possible pendant la procédure judiciaire.

258    La Commission s’oppose à cette argumentation.

b)      Appréciation de la Cour

259    Il y a lieu de relever que, en affirmant que c’est à tort que le Tribunal a considéré que la Commission était en droit de procéder à une première appréciation des éléments potentiellement à décharge contenus dans les réponses des autres participants à l’entente à la communication des griefs, les requérantes réclament, en substance, le droit à un accès complet et automatique à ces réponses.

260    Or, un tel droit n’existe pas.

261    D’une part, il ressort de la jurisprudence que l’accès au dossier, dans les affaires de concurrence, a notamment pour objet de permettre aux destinataires de la communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu’ils puissent se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue dans sa communication des griefs sur la base de ces éléments (arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 315, ainsi que du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, EU:C:2003:531, point 125).

262    Ce droit d’accès au dossier implique que la Commission donne à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour la défense de cette entreprise. Ceux-ci comprennent tant les pièces à charge que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires des autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles.

263    Étant donné que les réponses à la communication des griefs ne figurent pas au dossier de la Commission au moment où les entreprises en cause sont invitées à prendre position sur les griefs figurant dans cette communication, l’accès au dossier qui est accordé après la notification de ladite communication des griefs, conformément à l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 773/2004, ne peut pas porter sur ces réponses. Il ressort, en outre, du point 27 de la communication de la Commission relative à l’accès au dossier que celui-ci est, en principe, accordé une seule fois, après la communication des griefs aux parties concernées et que ces dernières n’ont donc pas, en règle générale, accès aux réponses des autres parties à la communication des griefs.

264    Toutefois, selon ce même point de la communication de la Commission relative à l’accès au dossier, une partie aura accès aux documents reçus par la Commission après la communication des griefs lorsque ces documents peuvent constituer de nouveaux éléments de preuve, qu’ils soient à charge ou à décharge, relatifs aux allégations formulées à l’égard de cette partie dans la communication des griefs.

265    D’autre part, il ressort de la jurisprudence de la Cour que si une pièce du dossier pouvant être qualifiée d’« élément à décharge », dès lors qu’elle est susceptible de disculper une entreprise à laquelle il est reproché d’avoir participé à une entente, n’est pas communiquée à cette entreprise, les droits de la défense de cette entreprise sont violés si ladite entreprise démontre que l’élément en cause aurait pu être utile à sa défense (arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 367). Partant, il ne saurait être considéré que, par le seul fait qu’elle n’a pas donné un accès complet et automatique aux réponses des autres participants à une entente à la communication des griefs, la Commission a violé les droits de la défense d’une entreprise.

266    Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que la Cour a jugé que les droits de la défense sont violés lorsque la Commission ne donne pas accès aux réponses aux demandes de renseignements qu’elle a adressées aux entreprises concernées lors de son enquête, au motif qu’il n’était pas exclu que l’entreprise en cause aurait pu trouver dans ces documents des éléments provenant d’autres entreprises et lui permettant de donner aux faits une interprétation différente de celle retenue par la Commission, ce qui aurait pu être utile à sa défense (arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission, C‑109/10 P, EU:C:2011:686, point 62).

267    En effet, les réponses des entreprises à la communication des griefs ne sont pas comparables aux réponses apportées à de telles demandes de renseignements, dont le contenu a été pris en compte par la Commission dans sa communication des griefs et qui constituent donc des pièces essentielles de la procédure menée par cette institution.

268    Cette conclusion n’est pas non plus remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel le droit d’accès aux preuves, en application du principe général d’égalité des armes prévu aux articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux, devrait au moins avoir le même sens et la même portée que l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH, 16 février 2000, Jasper c. Royaume-Uni, CE:ECHR:2000:0216JUD002705295).

269    À cet égard, il convient de relever que, selon les requérantes, il ressort de ladite jurisprudence que les autorités de poursuite doivent communiquer à la défense toutes les preuves pertinentes en leur possession, à charge comme à décharge. Or, les requérantes n’ont pas expliqué de quelle manière cette jurisprudence serait susceptible de remettre en cause l’approche pratiquée par la Commission qui consiste, selon le point 27 de sa communication relative à l’accès au dossier, et s’agissant de documents reçus par elle après la communication des griefs, précisément à donner l’accès à ces documents lorsque ceux-ci peuvent constituer de nouveaux éléments de preuve, qu’ils soient à charge ou à décharge.

270    Enfin, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la prétendue violation du principe d’égalité des armes ne saurait être réparée du simple fait que l’accès aux documents concernés a été rendu possible pendant la procédure judiciaire, il suffit de relever que le Tribunal ne s’est pas fondé sur une telle considération pour conclure que la Commission n’avait pas violé les droits de la défense des requérantes.

271    Il s’ensuit que la première branche du troisième moyen doit être rejetée.

2.      Sur la deuxième branche

a)      Argumentation des parties

272    Par la deuxième branche du troisième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 61 à 68 de l’arrêt attaqué, qu’elles n’étaient pas en mesure de fournir un premier indice de l’utilité, pour leur défense, des réponses des autres destinataires de la communication des griefs.

273    À cet égard, les requérantes soutiennent que, à l’audience devant le Tribunal, et sur le fondement des sept versions non confidentielles des réponses d’autres destinataires de la communication des griefs que la Commission avait soumises au Tribunal, à la suite d’une demande en ce sens faite par ce dernier dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, elles avaient fourni un premier indice de l’utilité de plusieurs éléments de ces réponses pour leur défense.

274    La Commission fait valoir que le Tribunal a examiné les arguments soulevés par les requérantes aux points 61 à 68 de l’arrêt attaqué. S’agissant des exemples d’éléments de preuve potentiellement à décharge mis en avant par les requérantes et provenant des réponses à la communication des griefs que la Commission avait produites à la demande du Tribunal, les requérantes demanderaient à la Cour, de manière irrecevable, de contrôler l’interprétation faite par le Tribunal de la valeur probante de ces exemples. En tout état de cause, les requérantes se seraient référées exclusivement à des arguments formulés par d’autres destinataires de la communication des griefs et non à des éléments de preuve à décharge à cet égard.

b)      Appréciation de la Cour

275    Il convient de relever que, aux points 56 à 60 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé la jurisprudence de la Cour selon laquelle la preuve qu’un élément contenu dans un document aurait pu être utile à la défense d’une entreprise peut être fournie en démontrant que la non-divulgation a pu influencer, au détriment de l’entreprise en cause, le déroulement de la procédure et la teneur de la décision de la Commission, ou encore qu’elle a pu nuire ou rendre plus difficile la défense des intérêts de cette entreprise au cours de la procédure administrative (arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 368).

276    Le Tribunal a également rappelé que, selon sa jurisprudence, il appartient, toutefois, aux parties requérantes de fournir un premier indice de l’utilité, pour leur défense, des documents non communiqués. La pertinence de ce critère n’a pas été contestée par les requérantes.

277    Il convient, en outre, de relever que c’est en appliquant ce critère que le Tribunal a examiné, aux points 61 à 66 de l’arrêt attaqué, les arguments que les requérantes avaient mis en avant pendant la phase écrite de la procédure devant le Tribunal afin de démontrer que les documents qui ne leur avaient pas été communiqués contenaient des éléments qui auraient pu être utiles à leur défense. Le Tribunal a considéré que les requérantes n’avaient pas établi que tel était le cas.

278    Or, si les requérantes indiquent que leur pourvoi vise les points 61 à 67 de l’arrêt attaqué, elles ne soulèvent pas, toutefois, d’arguments concrets visant les points 61 à 66 de cet arrêt, dans la mesure où, dans cette partie dudit arrêt, le Tribunal a rejeté les arguments qu’elles avaient mis en avant à cet égard pendant la phase écrite de la procédure devant le Tribunal.

279    En effet, dès lors que les requérantes, pour contester l’appréciation faite par le Tribunal à cet égard, font exclusivement référence à ce qu’elles considèrent comme étant un certain nombre d’exemples d’éléments de preuve potentiellement à décharge, repris des sept versions non confidentielles des réponses d’autres destinataires de la communication des griefs que la Commission avait soumises au Tribunal à la suite d’une demande en ce sens de ce dernier, il convient de conclure que leur argumentation vise l’appréciation de ces éléments par le Tribunal et donc le point 67 de l’arrêt attaqué.

280    Or, au point 67 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, eu égard aux considérations exposées aux points 61 à 66 de cet arrêt, devait être rejeté comme étant inopérant l’argument des requérantes selon lequel la lecture des versions non confidentielles des réponses des autres destinataires de la communication des griefs produites par la Commission devant le Tribunal confirmerait que lesdites réponses contenaient des éléments de preuve à décharge et qu’il serait fort probable qu’il en aille de même pour les réponses des autres destinataires de ladite communication pour lesquelles la Commission n’a pas été en mesure de produire de versions non confidentielles.

281    En substance, audit point 67, le Tribunal a donc rejeté les arguments avancés par les requérantes lors de l’audience en se fondant sur les considérations développées aux points 61 à 66 de l’arrêt attaqué.

282    Or, les requérantes se sont contentées, à cet égard, de rappeler les éléments auxquels elles avaient déjà fait référence lors de l’audience devant le Tribunal, sans avancer d’arguments visant à remettre en cause les considérations figurant aux points 61 à 66 de l’arrêt attaqué.

283    Dans ces circonstances, force est de constater que les requérantes sont restées en défaut de démontrer que la conclusion du Tribunal, selon laquelle il convenait de rejeter les arguments avancés par les requérantes lors de l’audience, était entachée d’une erreur de droit, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’argument de la Commission selon lequel cet aspect du pourvoi devrait en tout état de cause être considéré comme étant irrecevable.

284    Il s’ensuit que la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée.

3.      Sur la troisième branche

a)      Argumentation des parties

285    Par la troisième branche du troisième moyen, les requérantes font valoir que, en ne donnant pas pleinement accès à toutes les réponses apportées à la communication des griefs par la mise en place d’une procédure dite « cercle de confidentialité », le Tribunal a enfreint leurs droits de la défense.

286    La Commission s’oppose à cette argumentation.

b)      Appréciation de la Cour

287    Par cette branche, les requérantes reprochent, en substance, au Tribunal de ne pas avoir adopté une mesure d’instruction obligeant la Commission à fournir, à titre confidentiel, toutes les réponses des autres destinataires de la communication des griefs. À cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il appartient au juge de l’Union de décider de la nécessité de la production d’un document, en fonction des circonstances du litige, conformément aux dispositions du règlement de procédure applicables aux mesures d’instruction (arrêt du 26 janvier 2017, Commission/Keramag Keramische Werke e.a., C‑613/13 P, EU:C:2017:49, point 38 ainsi que jurisprudence citée).

288    Il s’ensuit que la troisième branche du troisième moyen et, partant, ce moyen dans son intégralité doivent être rejetés.

VI.    Sur l’annulation partielle de l’arrêt attaqué

289    Il résulte de ce qui précède que l’arrêt attaqué est entaché d’erreurs de droit dans la mesure où le Tribunal a confirmé la décision litigieuse pour autant qu’elle tenait les requérantes pour responsables d’une infraction couvrant, premièrement, des comportements liés à des ventes dans des pays n’appartenant pas à l’Union ou à l’EEE, deuxièmement, un refus collectif de fournir des accessoires ainsi qu’une assistance technique à des concurrents ne participant pas à l’entente et, troisièmement, en ce qui concerne la période allant du 3 juillet 2002 au 21 novembre 2002, l’attribution de projets portant sur des câbles électriques souterrains dans l’EEE.

290    Il s’ensuit que l’arrêt attaqué doit être partiellement annulé pour autant qu’il a rejeté les moyens des requérantes visant ces aspects de l’infraction en cause et que le pourvoi doit être rejeté pour le surplus.

291    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument soulevé par les requérantes lors de l’audience, et en réponse à une question du Tribunal sur ce point, selon lequel le fait qu’elles ne pouvaient pas être tenues pour responsables d’une infraction couvrant des comportements liés à des ventes dans des pays n’appartenant pas à l’Union ou à l’EEE devrait amener la Cour à annuler l’arrêt attaqué dans son intégralité, au motif qu’il ne serait pas possible, à la lumière de la jurisprudence de la Cour, de procéder à une annulation partielle de cet arrêt.

292    Certes, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’annulation partielle d’un acte du droit de l’Union n’est possible que pour autant que les éléments dont l’annulation est demandée sont séparables du reste de l’acte (arrêt du 4 juillet 2013, Commission/Aalberts Industries e.a., C‑287/11 P, EU:C:2013:445, point 64) et qu’une telle annulation partielle n’aurait pas pour effet de modifier la substance de celui-ci (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 38).

293    Il convient, toutefois, de relever que cette jurisprudence vise la question de savoir si, dans le cas où la Commission aurait reproché à une entreprise d’avoir participé à une infraction unique et continue, mais qu’une telle participation ne pourrait être établie, la décision de la Commission pourra être maintenue, dans la mesure où la Commission reproche à cette entreprise d’avoir, à tout le moins, participé à une infraction à l’article 101 TFUE.

294    Or, telle n’est pas la situation de l’espèce, étant donné que, nonobstant le fait que le Tribunal a eu tort de considérer que la Commission avait réussi à établir que les requérantes pouvaient être tenues pour responsables de certains aspects de l’infraction en cause, ces dernières n’ont pas démontré que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en confirmant le constat de la Commission selon lequel elles avaient participé à une infraction unique et continue.

295    Il s’ensuit que le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué doit être annulé en tant que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté le recours des requérantes tendant à l’annulation de la décision litigieuse, pour autant que cette décision les tient pour responsables d’une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, dans la mesure où cette infraction porte, premièrement, sur des comportements liés à des ventes dans des pays n’appartenant pas à l’Union ou à l’EEE, deuxièmement, sur un refus collectif de fournir des accessoires et une assistance technique à des concurrents ne participant pas à l’entente en cause et, troisièmement, en ce qui concerne la période du 3 juillet 2002 au 21 novembre 2002, sur l’attribution de projets portant sur des câbles électriques souterrains dans l’EEE. Le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué, en tant que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté la demande des requérantes de réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée, ainsi que le point 2 du dispositif de cet arrêt doivent également être annulés. Le pourvoi doit être rejeté pour le surplus.

VII. Sur le recours devant le Tribunal

296    Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors statuer elle-même définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

297    En l’espèce, il y a lieu pour la Cour de statuer définitivement sur le litige, qui est en état d’être jugé.

298    S’agissant, premièrement, de la responsabilité des requérantes pour l’infraction en cause dans la mesure où celle-ci porte sur des comportements liés à des ventes dans des pays n’appartenant pas à l’Union ou à l’EEE, il convient de relever que, les requérantes n’ayant pas été en mesure d’assurer utilement leur défense au cours de la procédure administrative en ce qui concerne cet aspect de l’infraction en cause, la décision litigieuse doit être annulée pour autant qu’elle impose une telle responsabilité aux requérantes (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2014, Ballast Nedam/Commission, C‑612/12 P, EU:C:2014:193, point 38).

299    S’agissant, deuxièmement, de la responsabilité des requérantes pour l’infraction en cause dans la mesure où celle-ci porte sur un refus collectif de fournir des accessoires et une assistance technique à des concurrents ne participant pas à l’entente, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas établi, dans la décision litigieuse, que les requérantes avaient connaissance de cet aspect de l’infraction en cause ou pouvaient raisonnablement le prévoir. Il s’ensuit que la décision litigieuse doit être annulée pour autant que les requérantes ont été tenues pour responsables de cet aspect de l’infraction en cause.

300    S’agissant, troisièmement, de l’attribution de projets portant sur des câbles électriques souterrains dans l’EEE, pendant la période allant du 3 juillet 2002 au 21 novembre 2002, il y a lieu de relever que la Commission n’a identifié aucune preuve tendant à démontrer que les requérantes avaient participé à cet aspect de l’infraction en cause pendant cette période. Il s’ensuit que la décision litigieuse doit être annulée pour autant que les requérantes ont été tenues pour responsables de cet aspect de l’infraction en cause au cours de cette période.

301    Il s’ensuit que la décision litigieuse doit être annulée pour autant qu’elle tient les requérantes pour responsables d’une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, dans la mesure où cette infraction porte, premièrement, sur des comportements liés à des ventes dans des pays n’appartenant pas à l’Union ou à l’EEE, deuxièmement, sur un refus collectif de fournir des accessoires et une assistance technique à des concurrents ne participant pas à l’entente et, troisièmement, en ce qui concerne la période allant du 3 juillet 2002 au 21 novembre 2002, sur l’attribution de projets portant sur des câbles électriques souterrains dans l’EEE.

302    S’agissant de la demande des requérantes tendant à une réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée, il y a lieu de relever, premièrement, que celles-ci n’ont contesté, de manière circonstanciée, ni le calcul du montant de base de cette amende ni la décision de la Commission de fixer un coefficient de gravité de 19 % en ce qui les concerne. En tout état de cause, il convient de relever que ce taux est bien inférieur à celui de 30 % prévu au point 21 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003, et cela en dépit du fait que l’infraction en cause comptait parmi les restrictions de la concurrence les plus graves, ce que, en outre, les requérantes ne contestent pas.

303    Certes, les requérantes ont suggéré, lors de l’audience, et en des termes peu précis, que, si la Cour devait annuler l’arrêt attaqué, elles devraient bénéficier d’une réduction plus importante du montant de l’amende que celle qui leur avait été octroyée par la Commission.

304    Or, la Cour, exerçant sa compétence de pleine juridiction, reconnue au juge de l’Union à l’article 31 du règlement no 1/2003 conformément à l’article 261 TFUE, considère que l’annulation partielle de cet arrêt et de la décision litigieuse ne remet pas en cause le caractère raisonnable, d’une part, du coefficient de gravité retenu par la Commission à l’égard des requérantes et, d’autre part, de la réduction de 10 % du montant de leur amende octroyée aux requérantes dans la décision litigieuse, étant donné que cette annulation partielle ne concerne que des aspects limités de l’infraction en cause.

305    S’agissant de la durée de la participation des requérantes à l’infraction en cause, il convient de relever que, d’une part, la Commission a été en défaut d’établir que les requérantes y avaient participé, au cours de la période allant du 3 juillet 2002 au 21 novembre 2002, dans la mesure où cette infraction couvrait l’attribution de projets portant sur des câbles électriques souterrains dans l’EEE. D’autre part, les requérantes ne contestent pas avoir participé à l’infraction en cause, en tant que telle, depuis le 3 juillet 2002.

306    Dans ces circonstances, la Cour, exerçant sa compétence de pleine juridiction, considère qu’il est approprié de réduire l’amende infligée aux requérantes d’un montant de 200 000 euros et de ramener le montant de cette amende à 3 687 000 euros.

VIII. Sur les dépens

307    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

308    Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

309    Les requérantes et la Commission ayant respectivement succombé sur un ou plusieurs chefs de demande, elles supporteront leurs propres dépens afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :

1)      Le point 1 du dispositif de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2018, NKT Verwaltungs et NKT/Commission (T447/14, non publié, EU:T:2018:443), est annulé en tant que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté le recours de NKT Verwaltungs GmbH et de NKT A/S tendant à l’annulation de la décision C(2014) 2139 final de la Commission, du 2 avril 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39610 – Câbles électriques), pour autant que cette décision tient ces sociétés pour responsables d’une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, dans la mesure où cette infraction porte, premièrement, sur des comportements liés à des ventes dans des pays n’appartenant pas à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen (EEE), deuxièmement, sur un refus collectif de fournir des accessoires et une assistance technique à des concurrents ne participant pas à l’entente en cause et, troisièmement, en ce qui concerne la période allant du 3 juillet 2002 au 21 novembre 2002, sur l’attribution de projets portant sur des câbles électriques souterrains dans l’EEE.

2)      Le point 1 du dispositif de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2018, NKT Verwaltungs et NKT/Commission (T447/14, non publié, EU:T:2018:443), en tant que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté la demande de NKT Verwaltungs GmbH et de NKT A/S de réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée, ainsi que le point 2 du dispositif de cet arrêt sont également annulés.

3)      Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

4)      La décision C(2014) 2139 final est annulée pour autant qu’elle tient NKT Verwaltungs GmbH, anciennement nkt cables GmbH, et NKT A/S, anciennement NKT Holding A/S, pour responsables d’une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, dans la mesure où cette infraction porte, premièrement, sur des comportements liés à des ventes dans des pays n’appartenant pas à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen (EEE), deuxièmement, sur un refus collectif de fournir des accessoires et une assistance technique à des concurrents ne participant pas à l’entente en cause et, troisièmement, en ce qui concerne la période allant du 3 juillet 2002 au 21 novembre 2002, sur l’attribution de projets portant sur des câbles électriques souterrains dans l’EEE.

5)      Le montant de l’amende infligée à NKT Verwaltungs GmbH, anciennement nkt cables GmbH, et à NKT A/S, anciennement NKT Holding A/S, à l’article 2, sous e), de la décision C(2014) 2139 final est fixé à 3 687 000 euros.

6)      NKT Verwaltungs GmbH, NKT A/S et la Commission européenne supportent leurs propres dépens afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.