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La protection des inventions faites dans l'urgence - la tentation du dépôt provisoire


Traitement thérapeutique, vaccin, respirateurs, masques, mais aussi outils de télé-conférence, solutions logistiques, …, la situation actuelle est propice à l’invention.

La protection d’une invention peut permettre sa meilleure diffusion dans les quelques 20 années à venir. Outre le besoin d’exploiter, rapidement, les inventions en question, il importe également de sécuriser celles-ci pour assurer la pérennité de l’entreprise.

Disons-le tout net, le système des brevets n’est pas tellement adapté à la protection des inventions faites dans l’urgence. Dans le présent article, nous nous intéresserons dans un premier temps à la situation dans la plupart des pays industrialisés, mis à part les USAs qui disposent d’un régime juridique bien spécifique.

Dans la plupart des pays industrialisés, s’applique le principe fondamental que le dépôt de brevet doit être fait impérativement avant toute divulgation publique de l’invention, y compris par l’inventeur lui-même, et donc le plus souvent avant toute exploitation (la question de savoir si une exploitation d’une invention est obligatoirement constitutive d’une divulgation de celle-ci étant à trancher au cas par cas selon les sujets). Les mesures d’urgence prises récemment par les gouvernements ne permettent pas de déroger à ce principe.

Il en ressort que, pour protéger une invention faite en urgence, un dépôt de demande de brevet doit être effectué très rapidement, avant toute divulgation publique de celle-ci, y compris par l’inventeur lui-même.

Puisqu’il y a urgence, est-il possible de prendre date rapidement, quitte à régulariser a posteriori son dépôt de demande de brevet ?

La loi PACTE a prévu, pour cela, un système de dépôt provisoire, mais ce système n’est pas encore entré en vigueur. Quels que soient les mérites de ce futur système, il est toutefois déjà possible de déposer une demande de brevet incomplète, ouvrant la possibilité, selon divers mécanismes juridiques, de finaliser un dossier de demande de brevet complet ultérieurement. On peut par exemple déposer une demande de brevet sans revendications, et obtenir un numéro et une date de dépôt. Cette demande de brevet, dite « initiale » :
  • peut être complétée de revendications dans les semaines qui suivent le dépôt, et/ou
  • servir de base à un autre dépôt de demande de brevet, ultérieur et plus complet, qui revendiquera le bénéfice de la date du premier dépôt.
Il faut rappeler ici un deuxième principe fondamental du système des brevets, appliqué dans la plupart des pays industrialisés : Une demande de brevet ne peut être modifiée, après dépôt, de manière à ce que son objet s’étende au-delà du contenu de la demande de brevet telle que déposée. Ce deuxième principe oblige à définir, dès le dépôt, tant que possible, l’objet à protéger. Ce critère s’applique aussi bien aux modifications apportées à la demande de brevet elle-même (premier scénario ci-dessus) qu’au bénéfice de la date de dépôt de la demande de brevet antérieure (deuxième scénario ci-dessus).

Or ce critère est évalué de manière extrêmement stricte et, en particulier, une définition large a posteriori du champ de protection à partir d’un unique exemple particulier est généralement considéré comme une telle extension inadmissible, si cette définition large n’a pas été prévue dès le dépôt.

Dans le premier scénario, si les revendications déposées a posteriori constituent une extension de l’objet de la demande initiale, elles devraient ne pas être acceptées par l’administration et, même si elles le sont, et que le brevet est délivré, la validité de celui-ci pourra être contestée par un tiers après la délivrance, sur ce motif. Au mieux, le breveté risque d’obtenir un brevet valable dont la portée est limitée au contenu de la demande de brevet initiale, ce qui risque d’offrir une protection très étroite, et donc facilement contournable.

Dans le deuxième scénario, si la demande de brevet complétée présente un objet étendu par rapport à la demande de brevet initiale, le bénéfice de la date de dépôt de la demande initiale pourra être refusé, et la demande de brevet complétée pourra être antériorisée par une divulgation de l’invention, y compris par l’inventeur lui-même, survenue entre le dépôt initial (fait en urgence pour permettre une telle divulgation) et le dépôt ultérieur. Là encore, le breveté risque de n’obtenir, au mieux, qu’un brevet valable dont la portée est limitée au contenu de la demande de brevet initiale, ce qui risque d’offrir une protection très étroite, et donc facilement contournable.

Le système des brevets impose donc, pour une invention faite dans l’urgence, à déposer une demande de brevet répondant aux standards usuels des demandes de brevet, et avant toute divulgation publique de celle-ci. Toute alternative conduira à une protection imparfaite, voire nulle, de l’invention.

Les Etats-Unis mettent en œuvre un système au « premier inventeur à déposer » qui permet, dans des circonstances encadrées, de bénéficier d’un délai de grâce vis-à-vis de ses propres divulgations. Une protection sur ce territoire reste donc envisageable plus facilement qu’ailleurs, sous réserve, toutefois, de bien être le premier inventeur à déposer. Les sociétés ayant des intérêts particuliers aux USA devront adapter leur stratégie de dépôt pour prendre en compte cette spécificité.

La compétition sur les inventions faites aujourd’hui en situation d’urgence est mondiale, et il ne fait nul doute que des inventions similaires ont lieu simultanément dans d’autres pays. La date de dépôt sera un critère essentiel pour déterminer qui aura droit au titre, dans notre système au premier déposant, et qui prendra le risque de se retrouver contrefacteur. Pour les inventions ayant vocation à être exploitées dès maintenant, y compris par des concurrents, on pourra envisager de mettre en œuvre des procédures d’accélération des procédures d’examen, en vue d’obtenir des brevets délivrés plus rapidement. En France, des dépôts de brevets faits avant le 22 mai 2020 seront examinés par l’INPI selon une procédure d’examen légère, pouvant conduire à une délivrance plus rapide que pour les demandes déposées à compter du 23 mai 2020.

A titre défensif, il est recommandé de faire certifier par un tiers la datation de certaines créations. Un dépôt provisoire de demande de brevet peut être fait dans ce but. Dans certains cas, la publication permet de placer une information dans le domaine public, et d’au moins empêcher qu’un tiers ne s’en empare. Les preuves de la date et du contenu de la publication sont à conserver avec soin.

En conclusion, le dépôt d’une demande de brevet incomplète (ou « provisoire ») est un outil qui peut, en cas d’urgence, sécuriser une situation. Toutefois, c’est un outil qui donne une apparence souvent trompeuse de protection, et qui est par conséquent à manier avec une grande attention. Pour les inventions ayant un intérêt stratégique, un dépôt de brevet complet dès que possible est à considérer. L’accélération de la procédure, la protection aux Etats-Unis sont des options à considérer dans certains cas.




Geoffroy Cousin
Conseil en Propriété Industrielle – Brevets
Mandataire agréé auprès de l’Office Européen des Brevets
French and European Patent attorney
geoffroy.cousin@fidalinnovation.com


Contenu à jour en date du 10 avril 2020
 

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