Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 décembre 2022, 21-18.139, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 décembre 2022




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1352 F-B

Pourvoi n° A 21-18.139




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

1°/ Mme [O] [K],

2°/ Mme [P] [K],

3°/ Mme [R] [K],

domiciliées toutes trois [Adresse 1] et agissant en qualité d'ayants droit de [E] [K], décédé,

ont formé le pourvoi n° A 21-18.139 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2021 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige les opposant à la société Atos intégration, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat des consorts [K] ès qualités, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Atos intégration, après débats en l'audience publique du 26 octobre 2022 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 avril 2021), M. [K] a été engagé, le 27 mars 2000, par la société Atos intégration infogérance, en qualité d'ingénieur d'études.

2. Au dernier état de la relation de travail, le salarié était chef de projet et, à compter du 1er juillet 2013, son contrat était transféré à la société Atos intégration. Selon un avenant du 12 novembre 2013, dans le cadre du télétravail, il travaillait deux jours par semaine sur site et trois jours à domicile.

3. Le 4 mars 2014, M. [K] s'est donné la mort sur le trajet entre son domicile et son lieu de travail.

4. Le 16 juin 2016, les ayants droit du salarié, ont saisi la juridiction prud'homale en paiement des heures supplémentaires non rémunérées, de dommages-intérêts pour violation du droit au repos et pour violation du droit à la vie privée et familiale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Les ayants droit du salarié font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes de condamnation de l'employeur à leur payer certaines sommes à titre de rappel d' heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé, alors :

« 1° / que, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, en affirmant, pour les débouter de leur demande au titre des heures supplémentaires, que les tableaux de décomptes du temps de travail produits par Mmes [K] ne contiennent pas d'éléments préalables suffisamment précis quant aux heures non rémunérées, la cour d'appel, qui a fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires, a violé les articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail ;

2°) qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, en retenant, pour les débouter de leur demande au titre des heures supplémentaires, que les tableaux de décomptes du temps de travail produits par Mmes [K] ne contiennent pas d'éléments préalables suffisamment précis quant aux heures non rémunérées, après avoir pourtant constaté d'une part, que Mmes [K] avaient produit le rapport de l'inspection du travail donnant les heures début et de fin de travail de M. [K] et faisant état d'une amplitude journalière de travail considérable et quasi-permanente, un décompte des heures de travail effectuées sur la période allant de juin 2011 à février 2014 ainsi qu'un ensemble de pièces et notamment, le dossier relatif au suicide de M. [K], l'enquête du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), et diverses attestations démontrant de manière concordante, précise et circonstanciée que M. [K] travaillait en permanence bien au-delà de la durée légale du temps de travail et d'autre part, que la société Atos intégration, qui était tenue d'assurer le contrôle du temps de travail de son salarié, ne produisait aucun élément de nature à établir les heures effectivement réalisées par M. [K], la cour d'appel, qui a fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires, a derechef violé les articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail.»

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

6. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

7. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

9. Pour rejeter la demande des ayants droit du salarié en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et d'une indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt, après avoir relevé que les intéressés produisent un tableau de décompte des temps de travail du salarié de juin 2011 jusqu'à 2014, le rapport de l'inspection du travail qui donne ses heures de début et de fin de travail sur quelques jours non consécutifs sur les années 2013 et 2014, des relevés de mails adressés par le salarié entre septembre 2013 et mars 2014 et diverses attestations, retient que les attestations produites sont insuffisantes pour connaître les horaires de travail du salarié, que l'indication de ce que ce dernier travaillait beaucoup ne peut y répondre.

10. Il relève que les indications portées par l'inspection du travail donnent quelques exemples disséminés, que l'envoi de mails ne démontre pas que le salarié a travaillé en temps continu et que le tableau du décompte de temps de travail se contente d'affirmer semaine après semaine que le salarié travaillait systématiquement 56.25 heures sauf les semaines où il prenait un jour de congé ou de RTT sans mentionner les horaires accomplis et ne dresse qu'une moyenne quotidienne de 11h15 après avoir soustrait une pause-déjeuner et il relève que ce tableau ne mentionne pas la prise de vacances sur les années 2011 et 2012 contrairement à 2013.

11. L'arrêt en déduit que ces pièces ne contiennent pas d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié aurait accomplies pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments.

12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que les ayants droit du salarié présentaient des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur les seuls ayants droit du salarié, a violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

13. Les ayants droit du salarié font grief à l'arrêt attaqué, de les débouter de leur demande de condamnation de l'employeur à leur verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation du droit au repos, alors : « qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés et périodes de repos par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé et au repos, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement ; qu'il s'ensuit qu'en matière de repos hebdomadaire, c'est à l'employeur d'établir qu'il a rempli ses obligations ; qu'en retenant, pour débouter Mmes [K] de leur demande relative à la violation du droit au repos de M. [K] que celles-ci ne justifiaient pas de la violation reprochée, la cour d'appel a violé les articles L 3131-1 et L. 3132-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3131-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

14. Aux termes du premier de ces textes, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives.

15. Selon le second, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

16. Il en résulte que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.

17. Pour débouter les ayants droit du salarié de leur demande en paiement de dommages-intérêts pour violation du droit au repos du salarié, l'arrêt retient qu'il résulte des éléments produits que si le salarié travaillait « beaucoup », il n'est pas démontré la violation par l'employeur de la législation sur le droit au repos, alors que le salarié effectuait deux jours en télétravail à son domicile et conservait une liberté d'organisation de son temps de travail en fonction de ses déplacements. Il ajoute que l'amplitude horaire entre le premier mail envoyé par le salarié et le dernier, sans en connaître d'ailleurs la teneur pour savoir s'il correspondait à un travail effectif de sa part, ne permet pas d'affirmer que le salarié était en permanence à son poste de travail et qu'il ne bénéficiait pas normalement de ses repos quotidiens. Il en déduit que les ayants droit du salarié ne justifient pas de la violation reprochée.

18. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

19. Les ayants droit du salarié font grief à l'arrêt attaqué, de les débouter de leur demande tendant à ce que l'employeur soit condamné à leur verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale, alors « que la censure qui ne manquera pas d'intervenir du chef du premier et/ou du deuxième moyen emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il les a déboutés de leur demande tendant à ce que le jugement entrepris soit confirmé en ce qu'il a condamné la Société Atos Intégration à leur verser la somme de 34 000 euros de dommages et intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

20. La cassation prononcée sur les premier et deuxième moyens entraîne la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif rejetant la demande des ayants droit du salarié au paiement de dommages-intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale du salarié, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit n'y avoir lieu à production de pièces et juge non prescrites les demandes salariales de Mmes [K] à compter du 15 juin 2011, l'arrêt rendu le 15 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Condamne la société Atos intégration aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Atos intégration et la condamne à payer à Mmes [O] [K], [P] [K] et [R] [K] ès qualités la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour les consorts [K], ès qualités

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Mesdames [O], [P] et [R] [K] font grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, de les AVOIR déboutées de leurs demandes tendant à ce que la Société ATOS INTEGRATION soit condamnée à leur verser les sommes de 122 890 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, de 12 289 euros à titre de congés payés afférents et de 57 259 euros au titre de l'indemnité légale pour travail dissimulé ;

1) ALORS QUE, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, en affirmant, pour débouter Mmes [K] de leur demande au titre des heures supplémentaires, que les tableaux de décomptes du temps de travail produits par Mmes [K] ne contiennent pas d'éléments préalables suffisamment précis quant aux heures non rémunérées, la cour d'appel, qui a fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires, a violé les articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail ;

2) ALORS AU SURPLUS QUE, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, en retenant, pour débouter Mmes [K] de leur demande au titre des heures supplémentaires, que les tableaux de décomptes du temps de travail produits par Mmes [K] ne contiennent pas d'éléments préalables suffisamment précis quant aux heures non rémunérées, après avoir pourtant constaté d'une part, que Mmes [K] avaient produit le rapport de l'inspection du travail donnant les heures début et de fin de travail de M. [K] et faisant état d'une amplitude journalière de travail considérable et quasi-permanente, un décompte des heures de travail effectuées sur la période allant de juin 2011 à février 2014 ainsi que tout un ensemble de pièces et notamment, le dossier relatif au suicide de M. [K], l'enquête du CHSCT, et diverses attestations démontrant de manière concordante, précise et circonstanciée que M. [K] travaillait en permanence bien au-delà de la durée légale du temps de travail et d'autre part, que la Société ATOS INTEGRATION, qui était tenue d'assurer le contrôle du temps de travail de son salarié, ne produisait aucun élément de nature à établir les heures effectivement réalisées par M. [K], la cour d'appel, qui a fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires, a derechef violé les articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Mesdames [O], [P] et [R] [K] font grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, de les AVOIR déboutées de leur demande tendant à ce que le jugement entrepris soit confirmé en ce qu'il a condamné la Société ATOS INTEGRATION à leur verser la somme de 34 000 euros de dommages et intérêts pour violation du droit au repos ;

1) ALORS QUE, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation, qui ne manquera pas d'intervenir du chef du premier moyen emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté Mmes [K] de leur demande tendant à ce que la Société ATOS INTEGRATION soit condamnée à leur verser la somme de 34 000 euros pour violation du droit au repos ;

2) ALORS AU SURPLUS QUE, eu égard à la finalité qu'assigne aux congés et périodes de repos par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé et au repos, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement ; qu'il s'ensuit qu'en matière de repos hebdomadaire, c'est à l'employeur d'établir qu'il a rempli ses obligations ; qu'en retenant, pour débouter Mmes [K] de leur demande relative à la violation du droit au repos de M. [K] que celles-ci ne justifiaient pas de la violation reprochée, la cour d'appel a violé les articles L3131-1 et L.3132-1 du code du travail ;

3) ALORS EN OUTRE QUE, la méconnaissance des règles du repos quotidien et hebdomadaire génère pour les salariés un trouble dans leur vie personnelle et peut engendrer des risques pour leur santé et leur sécurité ; qu'en retenant encore, pour débouter Mmes [K] de leur demande, qu'elles ne précisent nullement le préjudice dont elles demandent réparation, après avoir pourtant constaté que M. [K] s'était donné la mort après avoir indiqué la veille à son psychiatre qu'il était épuisé par son travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé les articles L3131-1 et L.3132-1 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction alors applicable ;

4) ALORS ENCORE QUE, en affirmant que Mmes [K] ne précisent nullement le préjudice dont elles demandent réparation, cependant que, dans leurs écritures, elles avaient rappelé que la méconnaissance du droit du repos de M. [K] avait conduit à son épuisement, ce qui avait été constaté par son médecin psychiatre et ensuite, à son suicide, la cour d'appel, qui a dénaturé les écritures de Mmes [K], a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel il est interdit au juge de dénaturer l'écrit.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Mesdames [O], [P] et [R] [K] font grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef de les AVOIR déboutées de leur demande tendant à ce que le jugement entrepris soit confirmé en ce qu'il a condamné la Société ATOS INTEGRATION à leur verser la somme de 34 000 euros de dommages et intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale ;

1) ALORS QUE, la censure qui ne manquera pas d'intervenir du chef du premier et/ou du deuxième moyen emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté Mmes [K] de leur demande tendant à ce que le jugement entrepris soit confirmé en ce qu'il a condamné la Société ATOS INTEGRATION à leur verser la somme de 34 000 euros de dommages et intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale ;

2) ALORS EN OUTRE QUE, en affirmant que Mmes [K] ne précisent nullement le préjudice dont elles demandent réparation cependant que, dans leurs écritures et pièces à l'appui, elles avaient établi que l'amplitude de travail de M. [K] était tel qu'il ne pouvait jouir normalement de sa vie de famille, la semaine, comme les weekend et jours fériés, la cour d'appel, qui a dénaturé ces écritures, a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel il est interdit au juge de dénaturer l'écrit ;

3) ALORS AU SURPLUS QUE, en affirmant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que M. [K] ne s'était jamais plaint personnellement de sa capacité à jouir normalement de sa vie de famille, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur ;

4) ALORS QUE, dans leurs écritures et pièces à l'appui, Mmes [K] avaient établi que la charge de travail de M. [K] était telle qu'il ne voyait que rarement son épouse et ses filles, partait tôt le matin et rentrait tard le soir et devait continuer à travailler les week-ends et lors de ses jours de repos, la cour d'appel qui n'a pas examiné ces pièces déterminantes du litige, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5) ALORS ENFIN QUE, en affirmant que les attestations de Mmes [K] ne pouvaient être retenues car nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, cependant qu'en matière prud'homale, la preuve est libre, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur, ensemble l'article L.1221-1 du code du travail. ECLI:FR:CCASS:2022:SO01352
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