Lettre d'information : Propriété Intellectuelle / Numérique, Tech et Données n° 161 (Décembre 2023)
Direction Technique Droit Economique

Avant sa publication officielle par l’office, la simple demande de brevet ne permet pas au déposant d’agir en sur le fondement de la contrefaçon contre les tiers en référé

CA Paris., 22 novembre 2023, n° 22/19275
 
Le délai d’examen de la validité d’une demande de brevet peut être une période particulièrement longue en fonction de l’intensité de l’activité de l’office ou de la complexité de la technologie dont relève l’invention revendiquée. Il existe donc une véritable incertitude quant à la validité d’une demande entre la date du dépôt la concernant et la date à laquelle l’office délivre son appréciation d’enregistrement ou de rejet. Bien qu’elle provoque une insécurité juridique pour les tiers quant au périmètre exact de l’état de l’art relevant du domaine public ou du déposant, le législateur a tranché dans un sens plus favorable à ce dernier en décidant que « le droit exclusif d'exploitation mentionné à l'article L. 611-1 prend effet à compter du dépôt de la demande » (art. L. 613-1 du CPI).
 
C’est précisément sur la base de cette règle qu’une société qui avait procédé au dépôt de trois demandes de brevets français au cours de l’année 2021 avait assigné un tiers, un an plus tard, en contrefaçon de ses demandes de brevets. Or, le défendeur contestait avoir commis des actes de contrefaçon au motif que ces demandes n’avaient été publiées par l’INPI qu’au cours de l’été 2022, soit postérieurement aux dates des différentes mises en demeure puis de l’assignation par le demandeur.
 
Or, compte tenu des dispositions de l’article L. 615-4 du CPI : « Par exception aux dispositions de l'article L. 613-1, les faits antérieurs à la date à laquelle la demande de brevet a été rendue publique en vertu de l'article L. 612-21 ou à celle de la notification à tout tiers d'une copie certifiée de cette demande ne sont pas considérés comme ayant porté atteinte aux droits attachés au brevet ».
 
Pour cette raison, dans sa décision du 22 novembre 2022 rendue en référé, la cour d’appel de Paris rejette les demandes du déposant comme irrecevables, s’agissant de la période antérieure à la publication. Elle expose ainsi qu’en vertu de cette règle, combinée à celle contenu dans l’article L. 615-3 qui confère au propriétaire d’un « titre » la faculté d’introduire une action en référé, seul un « brevet délivré » peut servir de substrat à une telle action et non une simple demande de brevet, non prévue par les textes.
 
Cette solution apparaît cohérente avec l’impératif de préserver la sécurité juridique des tiers : seule une demande publiée leur permet de prendre connaissance du périmètre de protection revendiqué par le déposant. Par ailleurs, si cette date de publication confère certains droits au déposant, les textes ménagent également un tempérament important à toute tentative précipitée d’un déposant d’agir en contrefaçon en décidant qu’un juge saisi d’une telle demande sur fondement d’une demande de brevet non encore délivré doit sursoir à statuer jusqu’à sa délivrance (art. L. 615-4 dernier alinéa).
 
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