Lettre d'information : Propriété Intellectuelle / Numérique, Tech et Données n° 156 (novembre-décembre 2022)
Direction Technique Droit Economique

Contrefaçon sur les plateformes de e-commerce : pourrait-on désormais assigner les plateformes en tant que contrefacteurs ?

Cour de justice de l’Union européenne, 22 décembre 2022, aff. n° C-148/21 et C-184/21, Christian Louboutin c/ Amazon Europe Core Sàrl e.a.
 
La protection des droits de propriété intellectuelle sur Internet représente un défi de taille pour les titulaires dans la mesure où le caractère ubiquitaire d’Internet et, parfois, l’anonymat des auteurs de faits illicites, rend extrêmement difficile de faire cesser les atteintes. De plus, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 21 juin 2004 en France, les grandes plateformes en ligne sur lesquelles tout tiers peut proposer à la vente ou aux enchères des produits sont susceptibles de bénéficier du régime de responsabilité allégée qui s’applique aux intermédiaires techniques n’ayant pas un rôle actif dans les faits poursuivis.
 
Or, dans une décision importante rendue par la Cour de justice de l’Union Européenne le 22 décembre 2022, les magistrats de Luxembourg ont apporté une nuance significative à ce régime allégé, en retenant, en l’espèce, la responsabilité de la plateforme Amazon pour la commercialisation de produits contrefaisants par des tiers, en raison du contexte et du comportement de la plateforme.
 
Dans cette affaire, le célèbre créateur de chaussures Christian Louboutin contestait la mise en vente, sur la plateforme Amazon, d’exemplaires de chaussures sans son consentement. Plus spécifiquement, il reprochait à la plateforme « l’affichage, sur les sites Internet de vente en ligne de cette société, d’annonces relatives à des produits portant un tel signe identique, mais également du fait de la détention, de l’expédition et de la livraison de tels produits ».
 
Dans son arrêt la CJUE rappelle, conformément à sa jurisprudence antérieure, que le contrefacteur est un tiers qui a « la maîtrise, directe ou indirecte, de l’acte constituant l’usage est effectivement en mesure de cesser cet usage et donc de se conformer à ladite interdiction », et non la personne qui se borne seulement à fournir les moyens techniques à un tiers qui commettrait une infraction.
 
Or, le demandeur relevait ici que la plateforme « recourt à un mode de présentation uniforme des offres à la vente publiées sur son site Internet, affichant en même temps ses propres annonces et celles des vendeurs tiers et faisant apparaître son propre logo de distributeur renommé sur l’ensemble de ces annonces, ainsi que le fait qu’il offre des services supplémentaires à ces vendeurs tiers dans le cadre de la commercialisation de leurs produits, tels que le soutien dans la présentation de leurs annonces et le stockage et l’expédition de leurs produits ».
 
Dans ce contexte, plusieurs indices laissent entendre qu’Amazon n’a pas eu le simple rôle d’intermédiaire technique, puisque, d’une part, les marques litigieuses étaient utilisées dans les annonces publicitaires, ce qui pousse le consommateur à une association entre les produits litigieux la possibilité de les acheter sur la plateforme. D’autre part, il était avéré que la société proposait elle-même des offres de vente de ces produits selon une présentation uniforme et en y associant systématiquement son logo. Enfin, il était attesté qu’Amazon traite les questions des utilisateurs sur ces produits et assure également leur stockage et leur expédition.
 
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments la Cour estime qu’il difficile pour le consommateur d’opérer une distinction claire entre la mise en vente exclusivement par des vendeurs tiers sur la plateforme, ou la commercialisation directe par cette dernière. La plateforme est donc susceptible d’engager sa responsabilité pour des faits de contrefaçon.
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