Déclaration de M. Jean Castex, Premier ministre, sur l'évolution de l'épidémie de Covid-19 (Delta et Omicron) et un calendrier de levée progressive des restrictions à la faveur de l'entrée en vigueur du nouveau passe vaccinal, Paris, 20 janvier 2022.

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Circonstance : Point de presse à l'issue du conseil de défense sanitaire du 20 janvier 2022

Texte intégral

Mesdames et messieurs, mes chers concitoyens,


A la suite du Conseil de défense sanitaire qui s'est tenu ce matin sous l'autorité du Président de la République, je veux ce soir partager avec vous un nouveau point de situation sur l'évolution de l'épidémie qui frappe notre pays et faire un bilan des mesures que je vous avais annoncées le 27 décembre dernier et que nous avons mises en place pour une durée initiale de 3 semaines qui s'achève donc dimanche prochain.

Je veux aussi vous dire ce que sont les évolutions encourageantes qui commencent à se dessiner et, sans rien ignorer des tensions qui s'exercent encore sur notre système de santé, vous préciser le calendrier dans lequel nous pourrons, courant février, lever la plupart des restrictions prises pour freiner l'épidémie, à la faveur du nouveau pass vaccinal qui entrera en vigueur lundi prochain.

La France, comme tous les autres pays européens, est frappée depuis maintenant près de deux mois, par une vague d'une ampleur exceptionnelle.

Exceptionnelle parce qu'elle est alimentée par le cumul de deux variants - Delta et Omicron -, qui se sont non seulement succédés mais en fait additionnés, depuis la fin de l'année dernière ; exceptionnelle surtout, en raison de l'extrême contagiosité du variant Omicron, dont on sait qu'il a déjà touché plus de 5 millions d'entre nous, et probablement au moins le double si on ajoute le nombre estimé de ceux ne sont pas allés se faire tester, faute de symptômes notables.

Oui, notre pays traverse depuis quelques semaines une phase difficile.

D'abord à l'hôpital où la tension reste forte même si la mobilisation remarquable de nos soignants a permis jusqu'à présent de faire face chaque jour à des arrivées toujours importantes de malades.

Mais également dans notre vie quotidienne, avec le nombre spectaculaire des contaminations dues au variant Omicron. Peu de familles ont été épargnées, avec tout ce que cela occasionne, en termes de tests à réaliser pour les proches, de contraintes d'isolement pour les malades et bien sûr d'angoisses quand des symptômes importants apparaissent.

Cette vague exceptionnelle n'est pas terminée. Mais je crois pouvoir vous dire que la situation commence à évoluer plus favorablement.

La première évolution positive est que la vague liée au variant Delta est partout en net reflux. C'est très important car vous savez que ce variant Delta était plus dangereux que les variants précédents. Depuis une semaine, le nombre des malades en réanimation se réduit enfin légèrement. Et cette baisse devrait se prolonger à mesure que le variant Delta poursuivra sa décrue.

La deuxième nouvelle encourageante est que la vague provoquée par le variant Omicron commence à marquer le pas dans les régions où ce variant avait frappé en premier, à la fin décembre. C'est en particulier le cas en Ile-de-France où la décrue est maintenant engagée.

Certes, ce que nous constatons en Ile-de-France n'est pas encore vrai dans la plupart des autres régions métropolitaines, où le variant Omicron est arrivé plus tard et où le nombre des contaminations continue de progresser. Je veux mentionner aussi la situation particulière des départements et territoires d'outre-mer qui connaissent des flambées épidémiques régulières, où le niveau de vaccination est plus bas que dans le reste du pays, ce qui nous a conduit à proroger l'état d'urgence sanitaire.

Mais cette évolution différente selon les territoires est classique et donc ce qui se passe en Ile-de-France dessine une perspective rassurante et surtout cohérente avec ce que l'on observe au Royaume-Uni où la région du Grand Londres a connu son pic 10 jours avant le reste du pays.

La troisième nouvelle rassurante, c'est enfin la confirmation que ce variant Omicron est certes beaucoup plus contagieux mais clairement moins sévère que ses prédécesseurs.

Je sais que cet élément nouveau a pu conduire à se poser des questions : est-ce que cela sert encore à quelque chose de se faire vacciner ou de faire son rappel si, même vacciné, on peut attraper aussi facilement ce virus ? Est-ce que face à l'ampleur de la vague, il ne faudrait pas tout simplement laisser filer l'épidémie sans rien faire, ne prendre aucune mesure, ne plus se tester en cas de doute, ne plus s'isoler quand on est positif ?

Je vous le dis clairement : même atténué, ce virus n'a rien d'anodin. Il ne s'agit absolument pas d'une simple grippe. Un seul chiffre pour le démontrer : au cours d'une année normale, l'épidémie de grippe provoque en moyenne 10 000 hospitalisations sur toute la période de l'hiver ; avec Omicron, nous atteignons ce chiffre non pas en 3 mois mais en 5 jours seulement.

Si nous avons pu traverser ces dernières semaines, avec des centaines de milliers de contaminations chaque jour et des hôpitaux qui ont tenu, ce n'est pas le fruit du hasard. C'est parce que nous avons pris les bonnes décisions, parce que nous sommes massivement vaccinés et que nos vaccins restent extrêmement protecteurs.

Oui, les caractéristiques de ce variant font qu'on peut facilement attraper le virus en étant vacciné, mais, là aussi deux chiffres très parlants : une personne complètement vaccinée à 4,5 fois moins de risques d'attraper la Covid et surtout 25 fois moins de risques d'être hospitalisée en soins critiques, c'est-à-dire avec des formes graves, par rapport à une personne non vaccinée.

Seuls 7% des adultes ne sont toujours pas vaccinés et pourtant, ils représentent l'écrasante majorité des patients hospitalisés dans les services de réanimation, au grand dam de nos soignants qui se battent au quotidien depuis deux ans, de façon admirable.

Inlassablement, je me rends auprès des personnels des établissements de santé ; j'y serai une nouvelle fois demain, puis encore après-demain. Le Gouvernement déploie, dans le cadre du Ségur de la santé, des moyens inédits, pour à la fois rattraper le retard accumulé depuis des décennies et donner à notre système de soins et à ses acteurs les perspectives dont ils ont besoin.

On ne le dira jamais assez, la vaccination a changé la donne. Et nous devons poursuivre nos efforts, en dépit des résultats qui nous placent, grâce à une mobilisation exceptionnelle que l'histoire retiendra, parmi les nations les mieux vaccinées et donc les plus protégées au monde.

Plus de 93% des adultes ont reçu leur première dose, plus de 91% deux doses ou l'équivalent, plus de 62% trois doses ou l'équivalent. Mais nous devons encore poursuivre notre mobilisation.

Nous devons en particulier faire progresser la vaccination des enfants de 5 à 11 ans, qui a démarré doucement.

Même si je sais que beaucoup de parents hésitent encore, je veux leur dire que les autorités scientifiques sont très claires sur le bénéfice de cette vaccination et nous la faciliterons en autorisant davantage de lieux et de professionnels, y compris les pharmaciens et les infirmières, à pouvoir réaliser cette injection.

Pour les 12-17 ans, l'ouverture du rappel a été décidée pour ceux qui sont atteints de pathologies chroniques. Comme beaucoup de pays autour de nous l'ont fait, je vous annonce que nous allons étendre cette possibilité d'un rappel vaccinal pour tous – mais sans obligation – à compter de lundi prochain.

Pour tous les autres, nous devons sans relâche poursuivre notre stratégie d'aller-vers les non vaccinés, en particulier les populations les plus éloignées du système de soin.

Au-delà de la vaccination, notre stratégie de dépistage et les mesures de freinage prises le mois dernier ont été tout aussi utiles.

Les simulations de l'institut Pasteur ont montré que si nous n'avions pris aucune mesure, le nombre des entrées hospitalières au cours de ce mois de janvier aurait été deux fois plus élevé – je dis bien deux fois plus élevé.

Grâce à la vaccination, grâce au pass sanitaire, nous n'avons pas eu à prendre des mesures aussi contraignantes que beaucoup de nos voisins européens. En particulier, nous avons préservé la continuité des activités, nous n'avons pas restauré de couvre-feu et nous avons fait le choix de laisser nos écoles ouvertes. C'est un choix fort, constant depuis le début de la crise sanitaire, qui repose sur l'intérêt de nos enfants.

J'ai parfaitement conscience que l'adaptation du protocole sanitaire à l'école a entraîné des difficultés. Des difficultés pour les parents d'élèves. Des difficultés pour nos enseignants et plus généralement pour toutes celles et ceux qui concourent au service public de l'éducation et de la petite enfance, dans l'État, dans les collectivités territoriales et dans tous les établissements accueillant des enfants. Je veux leur répéter toute la considération du Gouvernement et de la Nation pour leur engagement et leur dévouement au service de l'école ouverte, au service des enfants de France. Avec le ministre de l'Éducation nationale et avec le ministre de la Santé, j'ai reçu les représentants des personnels de l'Éducation nationale et nous avons apporté les correctifs nécessaires.

Mais rien n'aurait été pire que de fermer les établissements scolaires, voire de retarder la rentrée, car la réouverture, vue la flambée du nombre de cas, aurait été très difficile.

Avant-hier mardi, 17.037 classes étaient fermées : c'est beaucoup. Mais cela représente 3,2% des classes en France. 3,2%. Si comme certains nous le suggèrent, nous avions fermé 100% des classes, je vous laisse déduire vous-même toutes les conséquences…

Je suis convaincu que notre choix a été le bon : tester, tester pour ne pas fermer. Tester pour freiner l'épidémie.

Plus de 12 millions de personnes se sont fait tester la semaine dernière – c'est un record absolu, c'est deux fois plus que lors de toutes les vagues précédentes. Et c'est nécessaire ! Pour freiner Omicron, pour le faire reculer, il faut d'abord que les personnes contaminées le sachent et s'isolent pour ne pas diffuser le virus davantage encore. C'est la base de la lutte contre toute épidémie.

Je veux remercier tous les professionnels qui ont contribué à cet effort de dépistage exceptionnel, et qui continuent encore et en particulier les pharmaciens de notre pays mais aussi tous les professionnels qui nous ont permis d'ouvrir 425 nouveaux centres de dépistage depuis le début de l'année 2022. Cet effort est également à mettre au crédit de nos concitoyens, qui jouent pleinement le jeu des auto-tests demandés aux personnes cas contacts, avec plus d'un million d'auto-tests délivrés chaque jour dans nos pharmacies.

Mesdames et messieurs, l'ensemble de ces éléments, qui sont le résultat de nos efforts, individuels et collectifs, nous permettent ce soir des dresser des perspectives. Comme toujours, nous le faisons de manière progressive et cohérente. L'évolution de la situation nous permet d'envisager un allègement des contraintes dès les premiers jours de février.

Nous pouvons l'envisager parce que nous disposerons très bientôt d'un nouvel outil, le pass vaccinal, que la représentation nationale a voté, et qui entrera en vigueur lundi prochain, le 24 janvier, sous réserve bien sûr de la décision du Conseil constitutionnel attendue demain.

Concrètement, l'ensemble des Français de 16 ans et plus devra justifier d'un schéma vaccinal complet pour aller au restaurant, au cinéma, au théâtre, dans un stade ou pour prendre le TGV.

Sauf pour les enfants de 12 à 15 ans, il ne sera plus possible de rentrer dans ces lieux avec un simple test négatif. Seules les visites dans les hôpitaux, maisons de retraite ou autres établissements médico-sociaux pourront rester accessibles avec un test, comme c'est déjà le cas aujourd'hui.

Je rappelle que le schéma vaccinal complet suppose de faire son rappel dans un délai de 7 mois après la dernière injection et que ce délai sera ramené à 4 mois à partir du 15 février, conformément à ce que nous avons déjà annoncé fin décembre. Nous veillerons à ce que cette évolution ne pénalise pas les Français de l'étranger qui devront pouvoir bénéficier rapidement d'une dose de rappel lorsqu'ils reviennent chez eux.

Depuis l'annonce du pass vaccinal, plus d'1 million de Français qui n'étaient pas encore vaccinés, ont franchi le pas. C'est bien mais ce n'est pas encore suffisant ; il faut amplifier ce mouvement. Je vous annonce que nous allons permettre à celles et ceux qui feront leur première dose d'ici le 15 février de bénéficier d'un pass vaccinal valide, à deux conditions : bien faire leur 2ème dose un mois plus tard et, dans l'intervalle, justifier également d'un test négatif de moins de 24h.

La transformation du pass sanitaire en pass vaccinal est une évolution nécessaire et cohérente. Elle est nécessaire si nous voulons préserver et amplifier notre couverture vaccinale, aussi bien aujourd'hui que demain en cas de nouveaux variants ; elle est cohérente car elle assume de faire peser clairement la contrainte sur les non-vaccinés et dès lors de pouvoir lever les mesures de freinage que nous avons prises pour contrer la dernière vague.

Nous allons donc alléger les mesures en vigueur en deux étapes qui interviendront les mercredi 2 et 16 février, ces délais devant permettre le déploiement en bon ordre du pass vaccinal et à nos hôpitaux d'absorber les effets du pic épidémique.

A compter donc du mercredi 2 février, tous les équipements, notamment sportifs et culturels, qui accueillent du public assis pourront retrouver un fonctionnement à pleine capacité, sans jauge, en respectant cependant l'obligation du port du masque. A cette même échéance, le télétravail ne sera plus obligatoire mais restera recommandé en laissant aux entreprises le soin de maintenir le bon niveau dans le cadre de leur dialogue social interne. Le port du masque ne sera plus exigé en extérieur.

A compter du mercredi 16 février, nous lèverons les autres mesures. La consommation dans les stades, les cinémas ou les transports sera à nouveau autorisée ; les concerts debout et la consommation debout dans les bars pourront reprendre, les discothèques pourront rouvrir. 

J'ajoute que nous pourrons aussi envisager au retour des vacances scolaires de février un allègement du protocole scolaire, sur la levée du port du masque pour les élèves dans les écoles élémentaires, ou sur la question du nombre de tests ou d'autotests à réaliser. Nous consulterons à cet effet les autorités sanitaires.

Je sais que cette perspective de reprise ou d'allègement était attendue ; l'approche graduée et progressive que nous retenons appelle évidemment de la part de chacune et chacun un respect strict des règles du jeu jusqu'à leur terme.

De même, nous maintiendrons évidemment jusqu'à ces échéances, tous les dispositifs de soutien aux secteurs économiques qui subissent aujourd'hui l'impact de nos mesures. Je pense en particulier aux hôtels-cafés-restaurants, aux traiteurs mais aussi aux secteurs de l'événementiel, du sport et de la culture, que nous aiderons, comme à chaque fois, à passer le cap. 

Au-delà, de quoi l'avenir sera-t-il fait sur le plan sanitaire ?

Cette question appelle forcément à l'humilité et la prudence. Nos autorités scientifiques ne savent pas nous dire si le variant Omicron marque une étape décisive sur la voie d'une banalisation du virus ou bien si nous restons encore exposés au risque qu'apparaissent de nouveaux variants problématiques.

Mon Gouvernement a bien sûr la responsabilité d'anticiper toutes ces hypothèses. Pour cela, la France dispose désormais d'une gamme complète d'outils que la loi nous permet d'activer jusqu'à la fin du mois de juillet.

Cette capacité à agir ne signifie évidemment pas que nous sommes tenus d'activer ces mesures de restriction aussi longtemps que la loi nous y autorise. Cela n'aurait aucun sens. Il faut savoir réagir vite quand c'est nécessaire mais il faut aussi savoir lever les mesures dès que les conditions permettent de le faire.

Cela vaut aussi pour le pass vaccinal. Sa nécessité ne fait aucun doute aujourd'hui mais, je veux être clair, le pass pourrait tout à fait être suspendu si la pression épidémique et surtout hospitalière venait à se réduire fortement et durablement. Si nos services de réanimation ne voyaient plus arriver de nouveaux malades pendant plusieurs semaines, si nos hôpitaux n'étaient plus obligés de déprogrammer des soins, si la pression sanitaire redescendait au plus bas, alors nous serions amenés à lever le pass, tout en nous tenant évidemment prêts à le réactiver en cas de redémarrage.

Mesdames et messieurs, mes chers concitoyens, voici les orientations et les perspectives que je souhaitais partager ce soir avec vous.

Nous sommes incontestablement dans une nouvelle phase de l'épidémie ; grâce à nos efforts collectifs, grâce à la vaccination, nous allons faire face à la vague en cours. Nous devons être confiants, tout en restant très vigilants, respectueux des autres et des consignes collectives, mobilisés et plus que jamais solidaires.


Je vous remercie.


Source https://www.gouvernement.fr, le 21 janvier 2022