Lettre d'information : Propriété Intellectuelle / Numérique, Tech et Données n°157 (Mars 2023)
Direction Technique Droit Economique

Logiciels : les portes de la brevetabilité sont-elles théoriquement toujours closes ?

Cass. Com., 11 janvier 2023, n° 20-10.935
Cass. Com., 11 janvier 2023, n° 19-19.567
 
L’adoption de la Directive n° 91/250 du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur a fait suite à d’importants débats doctrinaux à l’époque sur la voie de protection la plus adéquate au monde des logiciels. Ce texte a tranché en faveur de la protection par le droit d’auteur, moyennant quelques interrogations sur l’adaptation du critère de « l’originalité » à une création de nature plus technique comme le logiciel, finalement dissipées par l’arrêt Pachot du 7 mars 1986 tenant pour acquise l’originalité d’un logiciel résultant d’un « effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en œuvre d'une logique automatique et contraignante et que la matérialisation de cet effort résidait dans une structure individualisée ». En conséquence de l’élection du logiciel à la protection par le droit d’auteur, le Code de la propriété intellectuelle accueillait une disposition spécifique d’exclusion à la brevetabilité des « présentations d’informations » (art. L. 611-10 al. 2).
 
Cet arbitrage réglementaire n’épuise néanmoins pas toutes les problématiques qui s’opposent aux concepteurs d’un logiciel. Si le droit d’auteur va cristalliser une protection du logiciel au prisme de son code source, ce monopole ne s’étend pourtant pas à ses fonctionnalités. C’est pourquoi, dans la pratique, les concepteurs de logiciels n’abandonnent pas toute tentative de déposer des brevets sur des fonctionnalités logicielles innovantes, en dépit du risque d’échapper aux exigences de la brevetabilité.
 
Par deux arrêts rendus le 11 janvier 2023, la Cour de cassation est venue rappeler la position française en matière de brevetabilité des logiciels. Dans ces deux décisions, les demandes de brevets revendiquées par les sociétés Bull et Thalès sont rejetées au motif que les revendications ne permettent pas d’isoler une « contribution technique » au-delà d’une simple présentation d’informations.

Cette solution n’est pas novatrice : si de nombreux déposants eurent quelque succès dans le dépôt de brevets européens, ces dépôts furent validés en observant que les revendications démontraient bien une interaction entre une machine (le système informatique) et la solution logicielle concernée. Elle appelle toutefois une certaine complexité d’interprétation puisque l’exclusion prévue par le CPI suppose un examen sur le caractère brevetable d’une demande de brevet, et donc son apport à l’état de la technique, à la différence d’autres cas d’exclusion à la brevetabilité.
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