Newsletter DDS - Décembre 2022
Direction technique droit social

Coemploi et condamnation de la société mère

Dans un arrêt du 23 novembre 2022 (n°20-23206), la Cour de cassation admet l’existence d’une situation de coemploi au regard des critères relativement stricts retenus dans son arrêt du 25 novembre 2020 (Cass. soc. 25 nov. 2020, n°18-13769).
 
En effet, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
 

Si une situation de coemploi paraît donc désormais difficile à caractériser, elle peut néanmoins l’être si les critères jurisprudentiels sont réunis. C’est notamment ce qui résulte de l’arrêt du 23 novembre 2022.
 
Dans cette affaire, une entreprise de transport avait été rachetée par une autre société dont elle était devenue la filiale. Un an après le rachat, un salarié directeur d’exploitation au sein de la filiale avait été licencié pour motif économique. Il avait saisi le juge en se prévalant d’une situation de coemploi et réclamait des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et harcèlement moral.
 
La Cour d’appel avait constaté qu'à la suite du rachat par la société mère, la filiale n'avait plus de client propre, s'était retrouvée sous la totale dépendance économique de la société mère. Le salarié qui était directeur d'exploitation était sous la dépendance de deux responsables du planning de la société mère et n’avait plus de pouvoir décisionnel. Par ailleurs, la maison mère s’était substituée à sa filiale dans la gestion de son personnel dans les relations tant individuelles que collectives, celle-ci n'ayant plus aucune autonomie dans l'élaboration des tournées des chauffeurs, leurs plannings, les relations avec les clients et même la gestion des congés de maladie des chauffeurs ou de leur temps de vote pour les institutions représentatives du personnel. Enfin, la gestion financière et comptable de la filiale était assurée par la société mère.
 
Dès lors, la Cour de cassation a considéré que la Cour d’appel avait pu conclure qu'était ainsi démontrée une ingérence continuelle et anormale de la société mère dans la gestion économique et sociale de la filiale, allant au-delà de la nécessaire collaboration entre sociétés d'un même groupe, qui s'était traduite par l'éviction des organes de direction de la filiale dont faisait partie l'intéressé au profit de salariés de la société mère.
 
La situation de coemploi était donc caractérisée. La filiale ayant été placée en liquidation judiciaire, la société mère est condamnée au paiement de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lire l’arrêt du 23 novembre 2022, n°20-23206
Conformément à la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978 modifiée en 2004, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification et de
suppression des données vous concernant, que vous pouvez exercer en vous adressant à dpo@fidal.com.