Newsletter DDS - Décembre 2022
Direction technique droit social

Interdiction faite aux salariés masculins de porter des tresses : un risque de discrimination

Le fait pour un employeur de restreindre la liberté de ses salariés de sexe masculin dans leur façon de se coiffer constitue-t-il une discrimination fondée sur le sexe ?
 
Telle était la question posée à la Cour de cassation dans une affaire qui opposait la compagnie aérienne Air France à l’un de ses salariés, steward, qui s’était présenté en 2005, à l’embarquement coiffé de tresses africaines nouées en chignon. L’accès lui avait alors été refusé par l’employeur au motif qu’une telle coiffure n’était pas autorisée par le manuel des règles de port de l’uniforme pour le personnel navigant masculin.
 
Ainsi, par la suite, le salarié avait porté une perruque pour exercer ses fonctions jusqu’en 2007.
 
Puis soutenant être victime de discrimination, il avait saisi le 20 janvier 2012, la juridiction prud’homale de plusieurs demandes. Le 13 avril 2012, l’employeur lui avait notifié une mise à pied sans solde de cinq jours pour présentation non conforme aux règles de port de l’uniforme. Le 17 février 2016, le salarié est déclaré définitivement inapte à exercer la fonction de personnel navigant commercial, en raison d’un syndrome dépressif reconnu comme maladie professionnelle par la CPAM. Après avoir bénéficié d’un congé de reconversion professionnelle et confirmé qu’il ne souhaitait pas de reclassement au sol, il a été licencié le 5 février 2018 pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement.
 
En appel, le salarié demande notamment la condamnation de l’employeur au paiement d’une somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination, harcèlement moral et déloyauté.
 
La Cour d’appel écarte toute forme de discrimination.
 
Elle considère que la présentation du personnel navigant commercial fait partie intégrante de l'image de marque de la compagnie, que le salarié est en contact avec la clientèle d'une grande compagnie de transport aérien qui comme toutes les autres compagnies aériennes impose le port de l'uniforme et une certaine image de marque immédiatement reconnaissable, qu'en sa qualité de steward, il joue un rôle commercial dans son contact avec la clientèle et représente la compagnie et que la volonté de la compagnie de sauvegarder son image est une cause valable de limitation de la libre apparence des salariés.
 
Cependant, la Cour de cassation ne partage pas cette analyse. Se fondant sur les articles L. 1132-1 et L. 1133-1  (mettant en œuvre en droit interne les articles 2, § 1, et 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail), elle énonce que « les différences de traitement en raison du sexe doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle véritable et déterminante et être proportionnées au but recherché ».
 
Elle retient que l’interdiction faite à l’intéressé de porter une coiffure, pourtant autorisée par le même référentiel pour le personnel féminin caractérisait une discrimination directement fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe.
 
L’analyse de la cour d’appel qui avait écarté toute forme de discrimination en se fondant sur la perception sociale de l’apparence physique des genres masculin et féminin est censurée. Une telle perception ne peut constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement relative à la coiffure entre les femmes et les hommes.  
 
La solution ne surprend pas. Dans un arrêt du 11 octobre 2012, la Cour de cassation avait notamment retenu que l’employeur ne pouvait se fonder sur le sexe pour interdire aux serveurs hommes de porter des boucles d’oreille (V à propos d’un serveur : Cass. soc. 11 oct. 2012, n°10-28213).
 
Cette décision s’inscrit par ailleurs dans le sillage des recommandations du Défenseur des droits en la matière (v. Décision cadre du Défenseur des droits n°2019-205, 2 octobre 2019, pp. 25 et s.).
 
Lire l’arrêt du 23 novembre 2022, n°21-14060
Lire le communiqué de la Cour de cassation
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