Newsletter DDS - Mai 2023
Direction technique droit social

Protection du salarié : la qualification des faits de harcèlement moral n’est plus nécessaire

D’après l'article L.1152-2 du code du travail, le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir témoigné ou relaté  de tels agissements. Tout licenciement intervenu en méconnaissance de ce texte est nul (L.1152-3 du code du travail).
 
A cet égard, la Cour de cassation avait jugé que le salarié ne pouvait bénéficier de la protection légale contre le licenciement tiré d'un grief de dénonciation de faits de harcèlement moral que s'il avait lui-même qualifié les faits d'agissements de harcèlement moral (Cass. soc. 13 septembre 2017, n°15-23045).
 
Or, elle opère un revirement de jurisprudence dans un arrêt du 19 avril 2023 (n°21-21053) dont il résulte que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu'il n'ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce.
 
Dans cette affaire, une salariée engagée par une Association en qualité de psychologue en 2002 avait été licenciée pour faute grave par courrier en date du 9 avril 2018.
 
Estimant avoir subi et dénoncé des agissements de harcèlement moral, la salariée avait notamment saisi la juridiction prud’homale d’une demande de nullité de son licenciement. La Cour d’appel avait considéré que le licenciement était nul.
 
L’employeur avait formé un pourvoi en cassation. Il faisait valoir que si le licenciement motivé par la dénonciation de faits de harcèlement moral est en principe nul, sauf mauvaise foi du salarié, le juge ne peut prononcer la nullité du licenciement qu'à la condition que le salarié ait qualifié les agissements visés de harcèlement moral, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Cette analyse était conforme à l’arrêt précité du 13 septembre 2017. L’immunité légale accordée au salarié était réservée au cas dans lequel le salarié avait lui-même qualifié les faits dénoncés de harcèlement moral dans l’écrit qui lui était reproché par la lettre de licenciement.
 
Cependant, la Cour de cassation a considéré qu’il était nécessaire de réexaminer la pertinence de cette solution, au regard de sa jurisprudence récente (Notice au rapport de la Cour de cassation).
 
En effet, il résulte d’un arrêt en date du 16 septembre 2020 que « l’absence éventuelle dans la lettre de licenciement de mention de la mauvaise foi avec laquelle le salarié a relaté des agissements de harcèlement moral n'est pas exclusive de la mauvaise foi de l'intéressé, laquelle peut être alléguée par l'employeur devant le juge » (Cass. soc. 16 sept. 2020, n°18-26696). 
 
Ainsi, dès lors que l’employeur a la faculté d’invoquer devant le juge, « sans qu’il soit tenu d’en avoir fait mention au préalable dans la lettre de licenciement, la mauvaise foi du salarié licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, le principe de l’égalité des armes conduit à permettre au salarié de se prévaloir, devant le juge, de la protection contre le licenciement, quand bien même il n’aurait pas lui-même employé les mots « harcèlement moral » pour qualifier les faits dénoncés » (Notice au rapport relative à l’arrêt).
 
En outre, cette solution est en cohérence avec la jurisprudence relative à la protection conférée au salarié licencié pour un motif lié à l’exercice non abusif de sa liberté d’expression, dont le licenciement est nul pour ce seul motif (Cass. soc. 16 févr. 2022, n°19-17871).
 
Reste qu’une limite est posée. La Cour de cassation relève en effet « que l'employeur ne pouvait légitimement ignorer que, par cette lettre, la salariée dénonçait des faits de harcèlement moral ». Autrement dit,  la dénonciation de faits de harcèlement semblait évidente. En clair, indépendamment de l’utilisation des mots de « harcèlement moral » il importe que les faits dénoncés ou les éléments invoqués par le salariés puissent constituer un harcèlement.

Ainsi, comme le souligne la Cour de cassation dans sa notice explicative, il « appartient donc aux juges du fond de vérifier le caractère évident d’une telle dénonciation dans l’écrit du salarié, quand bien même les mots « harcèlement moral » n’ont pas été utilisés par ce dernier ».
 
Lire l’arrêt du 19 avril 2023, n°21-21053
Lire la notice au rapport relative à l’arrêt
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