Lettre d'information : Propriété Intellectuelle / Numérique, Tech et Données n°157 (Mars 2023)
Direction Technique Droit Economique

Créations de salariés : la cour d’appel de Paris a-t-elle vraiment validé une cession globale d’œuvres futures au profit de l’employeur ?

CA Paris., 25 janvier 2023, n° 19/15256

Une décision rendue par la cour d’appel de Paris le 25 janvier 2023 a été relevée par de nombreux commentateurs en tant qu’elle aurait validé, au profit d’une entreprise, la transmission des œuvres protégeables réalisées par un salarié dans le cadre de son contrat de travail sans qu’un contrat de cession ne fût régularisé au cas par cas. Certains chroniqueurs ont ainsi recherché si la solution de la cour d’appel n’avait pas été guidée par des considérations plus proches de la vie des affaires, contre la rigueur de la loi, qui prohibe la pratique de la cession globale des œuvres futures à l’article L. 131-1 du Code de la propriété intellectuelle.
 
Dans cette affaire, une salariée réclamait à son employeur le paiement d’une rémunération au titre de la cession de ses droits d’auteurs sur plusieurs créations de mode qu’elle avait réalisée à la suite de la signature de trois commandes conclus par des tiers avec la société. Elle faisait notamment valoir que ces travaux, ayant été réalisés en dehors du strict cadre de son contrat de travail pour l’employeur, ne sauraient être considérés comme rémunérés au simple titre de son salaire.
 
De son côté l’employeur s’appuyait sur la clause contenue dans le contrat de travail rédigée en ces termes : « Madame Y cède à titre exclusif à l'Employeur l'ensemble des droits de propriété intellectuelle (droits de reproduction et de représentation ' à l'exclusion de ceux d'adaptation) ' relatifs aux créations réalisées dans le cadre du présent contrat, au fur et à mesure de leur réalisation. »
 
Les juges d’appel déboutent la salariée de ses demandes. Observant que cette dernière était engagée, conformément à ce contrat de travail, à consacrer l’intégralité de son temps de travail à l’employeur sans possibilité d’exercer une activité concurrente, ils en déduisent que les créations avaient nécessairement été réalisées pour le compte de la société, disposant des droits d’auteur.
 
Surtout, la cour d’appel estime que la clause litigieuse ne contrevient pas à l’article L. 131-1 du CPI : « Une telle clause n'est pas nulle dès lors qu'elle délimite le champ de la cession à des œuvres déterminables et individualisables à savoir celles réalisées par la salariée dans le cadre du contrat de travail et au fur et à mesure que ces œuvres auront été réalisées. Ainsi, la clause de cession n'encourt pas le grief de cession globale d'œuvres futures puisqu'elle ne vise pas globalement les œuvres objet de la cession en outre, elle ne porte pas sur des œuvres futures mais sur des œuvres réalisées, la cession n'opérant qu'au fur et à mesure de la réalisation. »
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