Lettre d'information : Propriété Intellectuelle / Numérique, Tech et Données n°157 (Mars 2023)
Direction Technique Droit Economique

Airbnb et sous-locations illicites : quand un excès de contrôle de la plateforme la fait basculer dans la catégorie des éditeurs

CA Paris., 3 janvier 2023, n° 20/08067
 
La loi pour la confiance dans l’économie numérique (dite « LCEN »), adoptée en 2004, ambitionnait de résoudre une problématique essentielle dans le monde du e-commerce : quelle est la qualification et la responsabilité des plateformes de vente de produits et de fourniture de service en ligne pour les contenus qu’ils publient sur leurs sites Internet ? Pour répondre à cet enjeu, le législateur a notamment adopté le célèbre article 6 qui créée plusieurs catégories d’opérateurs, dont celle des hébergeurs de contenus qui : « assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ».
 
Contrairement aux opérateurs qui relèvent de la catégorie des « éditeurs », pleinement responsables des contenus qu’ils publient, les hébergeurs bénéficient d’un régime de responsabilité « allégée » puisqu’il n’est possible de les faire condamner à propos de contenus illicites qu’ils hébergent que lorsqu’ils ont « agi promptement pour retirer [des] données ou en rendre l'accès impossible » lorsqu’il est porté à leur connaissance l’existence d’un contenu illicite.
 
Un arrêt rendu le 3 janvier 2023 par la cour d’appel de Paris a été le théâtre d’une querelle impliquant un propriétaire bailleur d’un appartement et son locataire auquel il était reproché d’avoir procédé à de multiples sous-locations de courte durée au moyen de la plateforme proposée par la société Airbnb, alors que le contrat de location prohibait expressément toute sous-location sans l’accord préalable du propriétaire. Au vu du total des 52 000 euros générés par ces sous-locations, le propriétaire avait attrait à la cause la plateforme Airbnb pour se prémunir contre l’éventuelle insolvabilité du locataire.
 
Cette dernière invoquait la qualité d’hébergeur de contenu au sens de la LCEN pour voir écartée toute demande en responsabilité à son encontre. Au terme d’un examen minutieux du comportement de la plateforme par rapport aux utilisateurs, les juges d’appel rejettent cette argumentation et estiment, au contraire, que la plateforme Airbnb agit en tant qu’éditeur pleinement responsable des contenus publiés.
 
En effet, de nombreux indices illustraient son « rôle actif dans la rédaction des annonces diffusées sur son site internet, en raison des nombreuses contraintes imposées à ses 'hôtes' quant à l'utilisation de sa plateforme » :
  • la signature obligatoire par les utilisateurs de documents intitulés : 'valeurs et attentes d'Airbnb', 'politique de non-discrimination d'Airbnb', 'règles d'Airbnb en matière de contenu' ;
  • l’obligation faite aux hôtes d’« être réactif, accepter les demandes de réservation, éviter les annulations, maintenir une bonne évaluation globale, fournir des équipements de base » ;
  • le contrôle et le retrait de tout contenu qui ne respecterait pas les règles édictées par la plateforme ;
  • le contrôle et la sanction des hôtes qui décident d'annuler une réservation sans raison légitime ;
  • l’intervention directe de la plateforme dans le cadre de la formule « Airbnb plus » auprès de l’hôte en lui proposant, selon certains critères un nouveau design, une nouvelle mise en page et des photographies professionnelles.

En conclusion de ce qui précède, la société Airbnb, en tant qu’éditeur de contenu était tenue de « s'assurer du caractère licite des annonces publiées sur son site » et en particulier, de contrôler que l’hôte disposait du droit effectif de proposer le logement à la sous-location sur la plateforme. Au vu de la fréquence des sous-locations saisonnières dans le présent litige, les juges estiment que sans le recours à la plateforme Airbnb, l’hôte n’aurait jamais pu générer un tel revenu, ce qui justifie que la société soit condamnée in solidum à indemniser le propriétaire.
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