Newsletter DDS - Novembre 2022
Direction technique droit social

Astreintes et court délai d’intervention : un risque de requalification en temps de travail effectif !

Il résulte du premier alinéa de l’article L. 3121-9 du code du travail, qu’une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié « sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise ». Ce temps doit être distingué du temps de travail effectif défini à l’article L. 3121-1, pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
 
Dans un arrêt en date du 26 octobre 2022 (n°21-14178), la Cour de cassation précise que si le salarié est soumis, au cours de ses périodes d'astreinte, à des contraintes d'une intensité telle qu'elles affectent, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles, la période d’astreinte constitue du temps de travail effectif.
 
Dans cette affaire, un salarié avait été engagé par une société exerçant une activité de dépannage de véhicules afin d’assurer une permanence pour intervenir sur une portion délimitée d'autoroute. Ainsi, au cours des périodes dites « d'astreinte » de 15 jours consécutifs, il devait se tenir en permanence dans ou à proximité immédiate des locaux de l'entreprise, en dehors des heures et jours d'ouverture, afin de répondre sans délai à toute demande d'intervention. Le salarié faisait partie d’une équipe de trois ou quatre dépanneurs munis d'un téléphone et intervenant à la demande d'un dispatcheur affecté à la réception continue des appels d'urgence.
 
Le salarié invoquait le court délai d'intervention qui lui était imparti pour se rendre sur place et faisait valoir que les périodes d’astreinte constituaient en réalité du temps de travail effectif. Il réclamait à ce titre, le paiement d’heures supplémentaires. La Cour d’appel l’avait débouté de ses demandes sur ce point.
 
Cependant, la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel. Elle précise que si le salarié est soumis, au cours de ses périodes d'astreinte, à des contraintes d'une intensité telle qu'elles affectent, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles, la période d’astreinte constitue du temps de travail effectif.
 
La Cour de cassation fait ici application de la grille d’analyse retenue par la CJUE dans un arrêt du 9 mars 2021 (CJUE 9 mars 2021, C-344/19, D.J. c/Radiotelevizija Slovenija, points 37 et 38). En effet, selon la CJUE, relève de la notion de "temps de travail effectif", l'intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d'astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d'une nature telle qu'elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts.
 
A l’inverse, lorsque les contraintes imposées au travailleur n'atteignent pas un tel degré d'intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps d’intervention constitue du "temps de travail effectif ».
 
Ainsi, il appartient au juge d’avoir égard notamment « au délai dont dispose le travailleur, au cours de sa période de garde, pour reprendre ses activités professionnelles, à compter du moment où son employeur le sollicite, conjugué, le cas échéant, à la fréquence moyenne des interventions que ce travailleur sera effectivement appelé à assurer au cours de cette période ».
 
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, le délai - très court – imparti au salarié pour se rendre sur place aurait donc dû conduire la Cour d’appel à vérifier si le salarié avait été soumis à des contraintes d'une intensité telle qu'elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles.
 
Prudence en conséquence lorsque le délai imparti au salarié pour rejoindre son lieu de travail est relativement bref pendant une période dite « d’astreinte ». Le risque de requalification en TTE n’est alors pas négligeable !
 
 Lire l’arrêt du 26 octobre 2022 (n°21-14178)
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