Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 16/02/2022, 442607

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 9 août 2020, 22 février et 30 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association France Nature Environnement demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner à la ministre de la transition écologique de produire les rapports d'enquêtes établis en 2017 et 2018 par Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) dans le cadre de la préparation de la réforme de l'autorité environnementale et mentionnés dans la synthèse annuelle 2018 de l'activité de la formation d'autorité environnementale du CGEDD et des missions régionales d'autorité environnementale ;

2°) avant dire-droit, de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne deux questions préjudicielles portant sur l'interprétation de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, modifiée par la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014, et sur la détermination par un Etat-membre de l'autorité administrative chargé de l'examen au cas par cas de la nécessité de soumettre un projet à une évaluation environnementale ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020 relatif à l'autorité environnementale et à l'autorité chargée de l'examen au cas par cas ;

4°) d'enjoindre au Premier ministre, dans un délai de 3 mois à compter de la notification de la décision, de désigner, pour effectuer l'examen au cas par cas de la nécessité de soumettre un projet à une évaluation environnementale, une autorité sans lien fonctionnel ni hiérarchique avec les préfets, dans le cadre d'un dispositif à même de garantir la sécurité juridique des autorisations administratives accordées dans le domaine de l'environnement, sous astreinte de 30 000 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;
- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 ;
- l'arrêt C-75/08 du 30 avril 2009 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- l'arrêt C-474/10 du 20 octobre 2011 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;




Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du paragraphe 1er de l'article 2 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : " Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l'octroi de l'autorisation, les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d'autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l'article 4. / (...) ". En vertu du paragraphe 1er de son article 4, les projets énumérés à son annexe I sont soumis à une évaluation systématique, sous réserve des exemptions exceptionnelles prévues au paragraphe 4 son article 2, et, sous la même réserve, le paragraphe 2 du même article 4 dispose que " pour les projets énumérés à l'annexe II, les Etats membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10. Les Etats membres procèdent à cette détermination : / a) sur la base d'un examen cas par cas ; / ou / b) sur la base des seuils ou critères fixés par l'État membre ". Par ailleurs, aux termes du paragraphe 1er de l'article 6 de la même directive : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation (...). À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou cas par cas. (...) ". Enfin, aux termes de son article 9 bis, créé par la directive modificative du 16 avril 2014 : " Les États membres veillent à ce que l'autorité ou les autorités compétentes accomplissent les missions résultant de la présente directive de façon objective et ne se trouvent pas dans une position donnant lieu à un conflit d'intérêts. / Lorsque l'autorité compétente est aussi le maître d'ouvrage, les États membres appliquent au minimum, dans leur organisation des compétences administratives, une séparation appropriée entre les fonctions en conflit lors de l'accomplissement des missions résultant de la présente directive ".

2. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'article 31 de la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat applicable en l'espèce et pris notamment pour la transposition des articles 2, 4, 6 et 9 bis de la directive du 13 décembre 2011 précitée : " II.- Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas. / (...) IV. - Lorsqu'un projet relève d'un examen au cas par cas, l'autorité en charge de l'examen au cas par cas est saisie par le maître d'ouvrage d'un dossier présentant le projet afin de déterminer si celui-ci doit être soumis à évaluation environnementale. / Toutefois, lorsque le projet consiste en une modification ou une extension d'activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent des autorisations prévues aux articles L. 181-1, L. 512-7, L. 555-1 et L. 593-7, le maître d'ouvrage saisit de ce dossier l'autorité mentionnée à l'article L. 171-8. Cette autorité détermine si cette modification ou cette extension doit être soumise à évaluation environnementale. / V.- Lorsqu'un projet est soumis à évaluation environnementale, le dossier présentant le projet comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation déposée est transmis pour avis à l'autorité environnementale ainsi qu'aux collectivités territoriales et à leurs groupements intéressés par le projet. / Les avis des collectivités territoriales et de leurs groupements, dès leur adoption, ou l'information relative à l'absence d'observations émises dans le délai fixé par décret en Conseil d'Etat sont mis à la disposition du public sur le site internet de l'autorité compétente lorsque cette dernière dispose d'un tel site ou, à défaut, sur le site de la préfecture du département. / L'avis de l'autorité environnementale fait l'objet d'une réponse écrite de la part du maître d'ouvrage. / V bis. - L'autorité en charge de l'examen au cas par cas et l'autorité environnementale ne doivent pas se trouver dans une position donnant lieu à un conflit d'intérêts. A cet effet, ne peut être désignée comme autorité en charge de l'examen au cas par cas ou comme autorité environnementale une autorité dont les services ou les établissements publics relevant de sa tutelle sont chargés de l'élaboration du projet ou assurent sa maîtrise d'ouvrage. Les conditions de mise en œuvre de la présente disposition sont précisées par décret en Conseil d'Etat. "

3. Pour l'application de ces dispositions, le pouvoir réglementaire a adopté le décret du 3 juillet 2020 relatif à l'autorité environnementale et à l'autorité chargée de l'examen au cas par cas, qui modifie diverses dispositions du code de l'environnement, du code de l'urbanisme et du décret du 2 octobre 2015 relatif au Conseil général de l'environnement et du développement durable, dont l'association France Nature Environnement demande l'annulation pour excès de pouvoir.

Sur la légalité externe du décret attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 120-1 du code de l'environnement : " I. - La participation du public à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement est mise en œuvre en vue : / 1° D'améliorer la qualité de la décision publique et de contribuer à sa légitimité démocratique ; / 2° D'assurer la préservation d'un environnement sain pour les générations actuelles et futures ; / 3° De sensibiliser et d'éduquer le public à la protection de l'environnement ; / 4° D'améliorer et de diversifier l'information environnementale. / II. - La participation confère le droit pour le public : / 1° D'accéder aux informations pertinentes permettant sa participation effective ; / (...) IV. - Ces dispositions s'exercent dans les conditions prévues au présent titre. " Par ailleurs, aux termes de l'article L. 123-19-1 du même code : " I. - Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / (...) II - Sous réserve des dispositions de l'article L. 123-19-6, le projet d'une décision mentionnée au I, accompagné d'une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, est mis à disposition du public par voie électronique (...) / Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l'autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l'indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. / (...) ".

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la consultation du public organisée entre le 7 et le 28 février 2020 par voie électronique sur le projet du décret attaqué s'est accompagnée de la mise à disposition d'une note de présentation décrivant le contexte et les objectifs de ce projet et faisant apparaître que l'un de ces objets était de remédier à l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions du IV de l'article R. 122-6 du code de l'environnement, telles qu'issues du décret du 28 avril 2016 portant réforme de l'autorité environnementale, en tant qu'il prévoyait la désignation du préfet de région en qualité d'autorité environnementale, prononcée par la décision n° 400559 du 6 décembre 2017 du Conseil d'Etat statuant au contentieux. La consultation a, au surplus, été accompagnée de la mise à disposition d'un tableau synthétisant les autorités désignées, selon les cas, comme autorité environnementale ou comme autorité chargé de l'examen au cas par cas destiné à déterminer si un projet doit être soumis à évaluation environnementale selon le type de projet concerné, ainsi que d'un tableau faisant apparaître l'évolution des dispositions réglementaires du code de l'environnement modifiées par le projet, accompagnées d'un commentaire explicatif. Par suite, le public a, contrairement à ce qui est soutenu, bénéficié d'informations pertinentes de nature à permettre sa participation effective à la consultation en cause.

6. En second lieu, ni les dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose, en tout état de cause, que l'avis rendu, en dehors de la consultation du public, par l'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable figure dans la synthèse des observations du public rendue publique par l'autorité administrative. Par ailleurs, la circonstance que certaines recommandations de cette autorité environnementale n'aient pas été retenues dans le décret attaqué est à elle-seule sans incidence sur la légalité de celui-ci.

7. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 120-1 et L. 123-19-1 du code de l'environnement doivent être écartés.


Sur la légalité interne du décret attaqué :

8. L'article R. 122-3 du code de l'environnement dans sa rédaction issue du décret attaqué dispose que : " I.- L'autorité chargée de l'examen au cas par cas mentionnée au premier alinéa du IV de l'article L. 122-1 est : / 1° Le ministre chargé de l'environnement, pour les projets, autres que ceux mentionnés au 2°, qui donnent lieu à un décret, à une décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution d'un ministre ou qui sont élaborés par les services placés sous l'autorité d'un ministre. / Le ministre chargé de l'environnement peut déléguer à l'autorité désignée au 2° l'examen au cas par cas d'un projet. Il peut également déléguer, à cette même autorité, l'examen au cas par cas d'une catégorie de projets ; / 2° La formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable : / a) Pour les projets qui sont élaborés : / - par les services placés sous l'autorité du ministre chargé de l'environnement ou par des services interministériels agissant dans les domaines relevant des attributions de ce ministre ; / - sous maîtrise d'ouvrage d'établissements publics relevant de la tutelle du ministre chargé de l'environnement, ou agissant pour le compte de ce dernier ; / b) Pour l'ensemble des projets de travaux, d'aménagement ou d'ouvrages de la société SNCF Réseau et de sa filiale mentionnée au 5° de l'article L. 2111-9 du code des transports ; / 3° Le préfet de région sur le territoire duquel le projet doit être réalisé pour les projets ne relevant ni du 1° ni du 2°. Lorsque le projet est situé sur plusieurs régions, la décision mentionnée au IV de l'article R. 122-3-1 est rendue conjointement par les préfets de région concernés. / II.- Les dispositions du I s'appliquent sous réserve de celles de l'article L. 512-7-2 qui désignent les autorités chargées de l'examen au cas par cas pour les catégories de projets qu'elles mentionnent. / III.- Lorsque les attributions du ministre chargé de l'environnement sont modifiées postérieurement à la saisine de l'autorité mentionnée au 1° ou au 2° du I, celle-ci demeure compétente, sous réserve des dispositions des articles R. 122-24-1 et R. 122-24-2. " Aux termes des I et II de l'article R. 122-24-2 du même code, issu de l'article 10 du décret attaqué : " I.- Lorsque l'autorité chargée de l'examen au cas par cas mentionnée au 1° du I de l'article R. 122-3 estime se trouver dans une situation de conflit d'intérêts, elle confie, sans délai, cet examen à la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable. Celle-ci se prononce dans le délai mentionné au IV de l'article R. 122-3-1 à compter de la date à laquelle elle reçoit le formulaire complet prévu au II de l'article R. 122-3-1. Elle notifie au maître d'ouvrage le délai au terme duquel sa décision sera rendue. / II.- Lorsque l'autorité chargée de l'examen au cas par cas mentionnée au 3° du I de l'article R. 122-3, au second alinéa du IV de l'article L. 122-1 ou à l'article L. 512-7-2 estime se trouver dans une situation de conflit d'intérêts, elle confie, sans délai, cet examen à la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable de la région sur laquelle le projet doit être réalisé ou, si le projet est situé sur plusieurs régions, à la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable. / Elle procède de même lorsqu'elle estime se trouver, en raison de conflits d'intérêts auxquels sont exposées les personnes qui y sont affectées, dans l'impossibilité d'exercer la charge de l'examen au cas par cas. / L'autorité à laquelle l'examen est confié en application des deux précédents alinéas se prononce dans le délai mentionné au IV de l'article R. 122-3-1, à compter de la date à laquelle elle reçoit le formulaire complet prévu au II de l'article R. 122-3-1. Elle notifie au maître d'ouvrage le délai au terme duquel sa décision sera rendue. "

9. En vertu de l'article R. 122-6 du code de l'environnement tel qu'issu de l'article 4 du décret attaqué, l'autorité environnementale mentionnée au V de l'article L. 122-1 du même code peut être soit le ministre chargé de l'environnement, soit la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable, soit la mission régionale d'autorité environnementale du même Conseil selon l'autorité compétente pour prendre une décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution du projet ou, le cas échéant, la nature de ce projet.

10. En premier lieu, si ces dispositions ont pour effet, comme les dispositions de l'article L. 122-1 du code de l'environnement le permettent, de distinguer l'autorité en charge de l'examen au cas par cas destiné à déterminer si un projet doit être soumis à une évaluation environnementale, de l'autorité environnementale chargée de rendre un avis sur le même projet, et conduisent à ce que des autorités différentes, sous réserve des exceptions prévues au IV de cet article L. 122-1 et à l'article L. 512-7-2 du même code, soient susceptibles d'exercer l'examen au cas par cas en fonction des projets en cause, elles permettent d'identifier avec une précision suffisante l'autorité chargé de l'examen au cas par cas pour les projets couverts par ces dispositions. Par ailleurs, les dispositions de l'article R. 122-24-2 du code de l'environnement qui prévoient que l'examen au cas par cas est confié à une autre autorité que celle en principe prévue dans l'hypothèse dans laquelle cette dernière autorité estime se trouver dans une situation de conflit d'intérêts, sont également d'une précision suffisante, tant sur la détermination des cas de conflit d'intérêts que sur l'autorité compétente pour exercer alors l'examen au cas par cas, le transfert de l'examen étant en outre notifié à la personne qui a présenté la demande d'autorisation avec la précision du délai au terme duquel la décision attendue sera rendue. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe de clarté et d'intelligibilité de la norme par ces dispositions ne peut ainsi qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement prévoit que les projets qu'elle définit, susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, sont soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences sur l'environnement, le cas échéant sur la base d'un examen au cas par cas. Elle vise par ailleurs à garantir qu'une autorité disposant d'une responsabilité spécifique en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur les informations fournies par l'auteur de la demande d'autorisation, en particulier l'évaluation environnementale, et sur la demande d'autorisation, avant que l'autorité compétente se prononce sur la demande. Eu égard à l'interprétation des dispositions de l'article 6 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement donnée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, et à la finalité identique des dispositions de cette directive et de celles de la directive du 13 décembre 2011 relatives au rôle de l'autorité environnementale, il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité compétente pour autoriser un projet soit en même temps celle en charge de rendre l'avis requis de l'autorité environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné. Par ailleurs, si ces mêmes dispositions de la directive prévoient que les Etats-membres doivent, au préalable, déterminer si le projet doit être soumis à une évaluation environnementale, le cas échéant sur la base d'un examen au cas par cas, il en résulte clairement, sans qu'il y ait lieu de transmettre une question préjudicielle sur ce point, qu'elles ne font pas obstacle à ce que la fonction ainsi exercée, distincte de celle confiée à l'autorité environnementale, le soit par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation du projet, dans le cadre de l'instruction de celle-ci, ou par une autre autorité disposant de la compétence à cet effet, sous la réserve, comme l'article 9 bis de la directive l'exige, que ces autorités accomplissent les missions résultant de cette directive de façon objective et ne se trouvent pas dans une position donnant lieu à un conflit d'intérêts. Enfin, comme l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 30 avril 2009 dans l'affaire C-75/08, les tiers doivent pouvoir s'assurer que l'autorité compétente a bien vérifié, selon les règles prévues par la loi nationale, qu'une évaluation environnementale était ou non nécessaire et, en outre, pouvoir faire assurer le respect de cette obligation, le cas échéant par la voie juridictionnelle.

12. Par suite, contrairement à ce qui est soutenu par l'association requérante, en désignant, à l'article R. 122-3 du code de l'environnement tel qu'issu de l'article 2 du décret attaqué, dans de nombreuses hypothèses, le préfet de région en qualité d'autorité chargée de l'examen au cas par cas afin de déterminer si un projet doit être soumis à évaluation environnementale, sans prévoir de dispositions excluant cette compétence lorsque celui-ci est par ailleurs compétent pour autoriser le projet concerné, sous réserve des situations de conflit d'intérêts, notamment s'il est chargé de l'élaboration du projet soumis à autorisation ou en assure la maîtrise d'ouvrage, le décret ne méconnaît pas les objectifs de la directive 2011/92/CE du 13 décembre 2011. Le II de l'article R. 122-24-2 du code de l'environnement, issu de l'article 10 du décret attaqué, précise à cet égard que lorsque l'autorité chargée de l'examen au cas par cas mentionnée au 3° du I de l'article R. 122-3, à savoir le préfet de région, estime se trouver dans une situation de conflit d'intérêts, elle confie sans délai cet examen à la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable de la région sur laquelle le projet doit être réalisé.

13. En dernier lieu, la circonstance que les inexactitudes, les omissions ou les insuffisances d'une étude d'impact soient, comme les autres éléments de la procédure préalable aux autorisations administratives, susceptibles de faire l'objet d'une régularisation, en application des articles L. 181-18 du code de l'environnement et L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, est étrangère à l'objet du décret attaqué. Elle est par suite sans incidence sur sa légalité.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder à la mesure d'instruction demandée ni de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que l'association France Nature Environnement n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 3 juillet 2020 attaqué. Ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent par suite qu'être rejetées, ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'association France Nature Environnement est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association France Nature Environnement, au Premier ministre et à la ministre de la transition écologique.
Délibéré à l'issue de la séance du 24 janvier 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. A... G..., M. Fabien Raynaud, présidents de chambre ; Mme L... I..., M. K... B..., Mme D... J..., M. C... H..., M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Airelle Niepce, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 16 février 2022.

La présidente:
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure
Signé : Mme Airelle Niepce
La secrétaire:
Signé : Mme E... F...

ECLI:FR:CECHR:2022:442607.20220216
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