Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 11 mai 2022, 21-11.337, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2022




Rejet


Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 290 F-D

Pourvoi n° H 21-11.337









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 MAI 2022

La société Gifi Mag, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-11.337 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société IDF management, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Gifi Mag, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de la société IDF management, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 mars 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 septembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 2 octobre 2019, pourvoi n° 18-15.676), la société IDF management (la société IDF) a conclu avec la société Gifi Mag (la société Gifi) un contrat de gérance-mandat d'une durée d'un an, avec tacite reconduction, pour l'exploitation d'un magasin, ayant pris effet le 1er avril 2010.

2. Par lettre du 14 janvier 2013, la société Gifi a fait connaître à la société IDF que le contrat ne serait pas renouvelé à l'échéance du 31 mars 2013.

3. Invoquant le caractère insuffisant du préavis, la société IDF a assigné la société Gifi en paiement de dommages-intérêts, sur le fondement de la rupture brutale de relations commerciales établies.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Gifi fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société IDF la somme de 87 916,50 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, alors « que les relations commerciales établies dont la rupture brutale est de nature à engager la responsabilité de son auteur, ne peuvent résulter de contrats à durée déterminée successifs que dans la mesure où le partenaire pouvait légitimement s'attendre au renouvellement du contrat à l'échéance du précédent ; qu'en énonçant que la circonstance que la rupture du contrat était prévisible pour la société IDF serait indifférente, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce. »

Réponse de la Cour

6. Ayant constaté que le contrat de gérance-mandat était d'une durée d'un an avec tacite reconduction et que les relations d'affaires entre les parties avaient consisté, en l'espèce, dans la mise en oeuvre du contrat conclu pendant trois ans, durée pendant laquelle il était établi que le magasin avait effectivement travaillé, de manière stable et régulière, générant un chiffre d'affaires significatif sur toute cette période, l'arrêt retient que le renouvellement des contrats à durée déterminée a légitimement fait naître chez le mandataire la croyance en la stabilité de ces relations. En l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que la société IDF pouvait légitimement s'attendre à la reconduction du contrat à son échéance, et abstraction faite du motif surabondant tiré du caractère prévisible de la rupture, critiqué par le moyen, la cour d'appel a pu retenir que la relation entre les parties était une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. La société Gifi fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en cas de rupture brutale de relations commerciales établies, le préjudice doit être apprécié au regard de la marge brute, déduction faite des charges variables mais aussi des charges fixes dont le créancier de l'indemnité a pu faire l'économie à la suite de la rupture ; qu'en fixant ce préjudice au montant des commissions perdues pendant 3 mois et demi, "en l'absence de coût variable", sans tenir compte ainsi qu'elle y était invitée par la société Gifi, des charges fixes dont la société IDF avait pu faire l'économie à la suite de la rupture, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime et l'ancien article L. 442-6, I, 5° du code de commerce. »

Réponse de la Cour

9. Ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que le préjudice subi du fait de la brutalité de la rupture correspondait à la marge brute que la société IDF aurait pu réaliser au cours du préavis non accordé et que, en l'absence de coûts variables, comme cela ressortait des comptes de la société IDF pour les années 2011, 2012 et 2013 et des factures produites, la perte de bénéfice s'évaluait pour cette activité de prestation de service au montant des commissions perdues pendant la durée du préavis non effectué, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié les coûts supportés par la société IDF, pour définir la marge perdue par celle-ci pendant le préavis non exécuté, a pu retenir que le préjudice subi s'élevait à la somme de 87 916,50 euros.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Gifi Mag aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gifi Mag et la condamne à payer à la société IDF management la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Gifi Mag.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Gifi Mag fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la société IDF Management la somme de 87.916,50 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de relation commerciale établie ;

1° ALORS QUE les relations commerciales établies dont la rupture brutale est de nature à engager la responsabilité de son auteur, ne peuvent résulter de contrats à durée déterminée successifs que dans la mesure où le partenaire pouvait légitimement s'attendre au renouvellement du contrat à l'échéance du précédent ; qu'en énonçant que la circonstance que la rupture du contrat était prévisible pour la société IDF Management serait indifférente, la Cour d'appel a violé l'article L 442-6 I 5° du code de commerce ;

2° ALORS en tout état de cause, QU'en cas de rupture d'une relation commerciale établie, le préavis suffisant s'apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale ; qu'en se fondant pour apprécier la durée du préavis suffisant, sur l'intensité de la relation commerciale et l'existence d'une dépendance économique, sans égard pour la courte durée de trois années des relations commerciales entre les parties, la Cour d'appel a violé l'article L 442-6 I 5° du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Gifi Mag fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la société IDF Management la somme de 87.916,50 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de relation commerciale établie ;

ALORS QU'en cas de rupture brutale de relations commerciales établies, le préjudice doit être apprécié au regard de la marge brute, déduction faite des charges variables mais aussi des charges fixes dont le créancier de l'indemnité a pu faire l'économie à la suite de la rupture ; qu'en fixant ce préjudice au montant des commissions perdues pendant 3 mois et demi, « en l'absence de coût variable », sans tenir compte ainsi qu'elle y était invitée par la société Gifi Mag, des charges fixes dont la société IDF Management avait pu faire l'économie à la suite de la rupture, la Cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime et l'ancien article L 442-6, I, 5° du code de commerce.ECLI:FR:CCASS:2022:CO00290
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